Coupe du Monde : Tout est économique ?

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Philippe David est journaliste sur Sud Radio. Il présente notamment « Seul contre tous » de 9h30 à 10h, « Le grand soir »  de 18 h à 20 heures et actuellement  « Sud Radio fait son Mondial » pendant la Coupe du monde de 19h à 20h.  Passionné de football, Philippe David évoque dans cette seconde tribune les liens très étroits entre l’économie et la plus prestigieuse compétition sportive à travers les différentes Coupes du monde, post 1989.

 

9 NOVEMBRE 1989. Le mur de Berlin tombe et avec lui l’Empire soviétique qui s’effondre comme un château de cartes. Il n’y a plus deux blocs, un capitaliste et l’autre communiste, ce qui incitera certains à parler de « fin de l’histoire » mais un seul qui a triomphé de l’autre : le bloc capitaliste. La marché et son corollaire, l’argent, a gagné et les conséquences de ce bouleversement vont se ressentir jusque dans le football et son épreuve Reine : La Coupe du Monde.

1994 : la Coupe du Monde a lieu aux Etats-Unis. Pour la première fois, ce n’est ni un pays d’Europe ni un pays d’Amérique latine, où le football est le sport Roi, qui organise la compétition. Ce n’est même pas un pays où le football, appelé soccer là-bas, est un sport de premier plan sauf en ce qui concerne le nombre de licenciés dans le sport universitaire et dans le sport…féminin. La première tentative d’implantation aux Etats-Unis à la fin des années 70 avait pourtant tourné court. On parla beaucoup à l’époque du Cosmos de New-York où des stars comme Pelé ou Beckenbauer allèrent terminer leur carrière sur des pelouses synthétiques moyennant quelques poignées de « soccerdollars » mais ce sport ne prit pas à l’époque dans ce pays continent qui a pour héros sportifs les stars du basket, du hockey sur glace, du base ball et du football…américain appelé « football » là-bas.
Pour adapter le football aux coupures publicitaires des chaines de télé américaines, le comité d’organisation américain demanda à la FIFA à jouer les matches en trois tiers temps, comme au hockey sur glace, ce que la FIFA refusa à juste titre, une équipe ne pouvant pas jouer les 2/3 d’un match avec un vent défavorable ou avec le soleil de face tandis que l’autre ne subirait de tels aléas climatiques que pendant 1/3 du match.
Un quart de siècle plus tard, la MLS (Major League Soccer) commence à trouver son public en accueillant toujours des stars en fin de carrière comme Zlatan Ibrahimovic ou, comme lorsque la Coupe du Monde avait été accordée aux USA par la FIFA moyennant un engagement : la création d’un nouveau championnat professionnel suite à la faillite de la NASL (North American Soccer League) en 1984…

2002. Pour la première fois, la Coupe du Monde est organisée par deux Nations : Le Japon et la Corée du sud. Dans ces deux pays, le football est aussi un sport « mineur », en tout cas générant beaucoup moins de passions que sous nombre d’autres contrées. Mais l’Asie est LA zone de croissance du monde en ce début de millénaire et tout doit être fait pour développer le football dans le premier réservoir humain de la planète, ce continent représentant plus de la moitié de la population mondiale. Cerise sur le gâteau la Chine, pays le plus peuplé de la planète, va se qualifier pour ce qui est à ce jour sa seule et unique participation à la Coupe du Monde mais échouera dès les phases de poules en perdant ses trois matches. Le Japon arrivera à se qualifier en terminant en tête de son groupe mais perdra contre la Turquie en 1/8ème de finale. La Corée, elle, atteindra les demi-finales après avoir éliminé l’Italie et l’Espagne, les ibères tombant dans un véritable traquenard puisque l’arbitre égyptien de la rencontre, Mr El Ghandour, leur refusa deux buts valables (dont un « but en or ») et ne fît pas retirer le tir au but de Joaquin, qui avait échoué, alors que le gardien sud-coréen était loin devant sa ligne au moment de la frappe, ce qui est rigoureusement interdit. L’arbitrage de Byron Moreno, l’arbitre équatorien du ¼ de finale contre l’Italie fût du même acabit : un penalty flagrant non sifflé sur Totti qui reçoit un second carton rouge pour simulation, Tommasi qui part seul au but et est signalé hors-jeu alors qu’il ne l’est pas et la Corée qui s’impose au but en or. Mais il fallait bien, pour motiver les asiatiques à aimer le football, à ce qu’une équipe issue de leur continent aille le plus loin possible…

2010 vît l’Afrique organiser sa première Coupe du Monde en Afrique du sud. Le premier mondial africain aurait dû avoir lieu en 2006 mais des changements de votes plus que douteux en faveur de l’Allemagne aux dépens de l’Afrique du sud firent qu’il fût décidé que la Coupe du Monde suivante serait organisée par l’Afrique du sud afin que celle-ci ne porte pas trop sur la place publique les raisons réelles de son échec… L’épreuve fût un succès dans un pays où le football est le sport numéro un de la communauté noire, sur un continent où le football déchaine d’immenses passions.

2014 verra 64 ans après un retour au pays du football, le Brésil, tandis que les deux épreuves suivantes se dérouleront en Russie et au Qatar : Deux pays émergents issus des BRIC et un pays regorgeant de « gazodollars » (le Qatar produisant beaucoup plus de gaz que de pétrole).
Les américains, qui menaçaient d’attaquer la candidature qatari se sont vu octroyer avec le Canada et le Mexique la coupe du monde 2026 aux dépens du Maroc, un mondial qui se déroulera à 48 équipes afin d’avoir de nouveaux pays qualifiés pour la phase finale, on imagine d’ailleurs qu’une seconde qualification chinoise ou une première qualification indienne comblerait de plaisir la FIFA vu le potentiel spectateurs de ces deux pays.
Il y a d’ailleurs fort à parier que si la Chine ou l’Inde étaient candidats, la FIFA leur accorderait l’organisation sans le moindre problème, l’ensemble des BRIC étant alors récompensés de leur dynamisme économique et d’avoir le mérite d’être des terres de mission pour le football…

Si un des slogans de Mai 68 était : « Tout est politique », pour la FIFA, 45 ans plus tard on peut affirmer sans le moindre doute que tout est économique.

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