La Coupe du Monde et la politique

par
Partagez l'article !

Philippe David est journaliste sur Sud Radio. Il présente notamment « Seul contre tous » de 9h30 à 10h, « Le grand soir »  de 18 h à 20 heures et actuellement  « Sud Radio fait son Mondial » pendant la Coupe du monde de 19h à 20h.  Passionné de football, Philippe David nous parle dans cette tribune des liens très étroits entre la politique et la plus prestigieuse compétition sportive : la Coupe du Monde de football.

 

« Malraux avait dit que ce siècle serait avant tout religieux. Il avait tort, il sera sportif. » Cette phrase de Pascal Boniface, grand passionné de football devant l’Eternel, mériterait à mon humble avis d’être corrigée en « Comme le siècle précédent, ce siècle sera sportif ». En effet, l’évolution de la Coupe du Monde de football a suivi en permanence l’évolution du Monde et ce dès les premières éditions dans les années 30.

Italie 1934. La seconde édition de la Coupe Jules Rimet, du nom de son fondateur, se déroule de l’autre côté des Alpes et doit voir le triomphe de la Squadra Azzura sous les yeux du Duce. En ¼ de finale, les italiens éliminent l’Espagne en deux matches puisque le premier s’était soldé par un nul 1-1 et qu’à l’époque les tirs au but n’existaient pas. Au cours de ces deux matches, les décisions arbitrales furent un véritable scandale, comme lors de la ½ finale contre la Wunderteam autrichienne de Sindelaar. L’Italie devait gagner et elle gagna, ce qui servit le régime pour sa propagande et inspira l’Allemagne pour les Jeux Olympiques de Berlin deux ans plus tard.

Suisse 1954. Depuis près de dix ans l’Europe est coupée en deux et une équipe issue du bloc soviétique domine le football : La Hongrie de Puskas, Kocsis, Hidegkuti et consorts. Ils sont les premiers à humilier l’Angleterre 6 buts à 3 à Wembley et se promènent durant toute la compétition, battant la RFA 8-3 en phase de poules. En finale face à la même RFA, qui participe à sa première coupe du monde depuis la chute du III ème Reich, ils mènent même 2-0 au bout de 8 minutes de jeu. Puis la malchance (deux frappes sur les poteaux), un penalty flagrant oublié par l’arbitre anglais Mr Ling et des allemands au physique impressionnant marquant un troisième but à 10 minutes de la fin eurent raison des magnifiques hongrois. Cette remontée incroyable fût alors qualifiée de « Miracle de Berne », un miracle pas si miraculeux que ça car les autorités sportives allemandes reconnurent au début des années 2010 que leurs joueurs étaient dopés à la méthamphétamine, drogue donnée aux soldats de la Wehrmacht durant la seconde guerre mondiale. Ce match du 4 juillet 1954 est considéré comme le début du retour de l’Allemagne dans le concert des Nations et prouve que le proverbe « Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse » est également vrai dans le football.

« Cette remontée incroyable fût alors qualifiée de « Miracle de Berne », un miracle pas si miraculeux que ça car les autorités sportives allemandes reconnurent au début des années 2010 que leurs joueurs étaient dopés à la métamphétamine, drogue donnée aux soldats de la Wehrmacht durant la seconde guerre mondiale »

 

Allemagne 1974. La RFA accueille la coupe du monde chez elle et doit affronter la RDA dans un match qui résume à lui seul la partition du pays depuis près de 30 ans. Même si ce match de poule n’a qu’un intérêt relatif (les deux équipes sont déjà qualifiées pour le second tour), il passionne la planète entière et voit les allemands de l’est s’imposer 1-0 grâce à un but de Sparwasser dans le dernier ¼ d’heure. Même si c’est l’Allemagne de l’ouest qui remportera le trophée, ce match servira d’outil de propagande pour le régime de Honecker qui, à partir de cette date, fabriquera uniquement des baby-foot représentant les deux équipes de cette victoire historique…

 

« Ce match servira d’outil de propagande pour le régime de Honecker qui, à partir de cette date, fabriquera uniquement des baby-foot représentant les deux équipes de cette victoire historique… »

 

D’autres régimes se sont servis de la victoire de leur équipe comme la junte militaire brésilienne lors du triomphe de la Seleçao en 1970 lors du Mundial mexicain ou encore la junte militaire argentine qui mit tous les atouts de son côté ( arbitrage contre la France en phase de poules et match truqué contre la Pérou 6-0 pour atteindre la finale) pour triompher à domicile en 1978.
C’est d’ailleurs lors du Mundial argentin, pour lequel nombre d’associations appelaient au boycott, que la politique fit sa dernière apparition lors de la coupe du monde de football. Onze ans plus tard, le mur de Berlin allait en effet tomber et la politique allait se voir évincée du football par l’économie. L’économique qui se substitue au politique ou comment le football a suivi l’évolution du monde…

 

Retrouvez les émissions de Philippe David sur Sud Radio

 

 

A lire également, dans Putsch :

– La Coupe du Monde : La fin d’une époque
(Tribune de Philippe David, 2 juillet 2018)
La Coupe du monde : Tout est économique ?
(Tribune de Philippe David, 24 juin 2018)
Bixente Lizarazu : la vie après les crampons et la Coupe du monde
(Livre, 10 juin 2018)
Coupe du Monde 2018 : l’amour du maillot, une valeur marchande ?
(Édito de Nicolas Vidal, 12 juin 2018)
Robert Redeker : « Le football est devenu une machine à déraciner autant qu’à légitimer le libéralisme le plus ravageur »
(Interview franc-tireur, 13 juin 2018)
Eric Naulleau : Le Papin de l’Athlétique de Vaucresson
(Livre, 14 juin 2018)

 

( Crédit Photo : Anthony Ghnassia – Philippe David / Sud Radio )

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à