M’sieur Rimbaud: un « entre-deux » poético-burlesque

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Nina vient de perdre la vie dans un accident. Elle se retrouve dans les Limbes confrontée à deux anges plus préoccupés par leur paperasse administrative que par l’âme de leur visiteuse. Au fil de la conversation et des verres d’ambroisie, Nina comprend que ces deux manipulateurs, respectivement nommés La Fameuse et La Divine, ont commis une erreur de procédure lors de sa précédente réincarnation: si elle ne leur signe pas rapidement une décharge, ils risquent de recevoir un terrible châtiment divin… De remises en question en accusations, la jeune morte se remémore progressivement le cheminement de sa vie passée et découvre avec bonheur la quête éternelle de toutes ses existences: Arthur Rimbaud.

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Afin de nous plonger dans cet étrange purgatoire, l’auteure Nina Guazzini a opté pour un savant mélange d’’humour et de poésie. Prônant la carte de l’ambiguité, elle taquine sa jeune troupe de comédiens en les plaçant continuellement dans un « entre-deux »: au sein de son quatuor théâtral, certains sont en effet à mi-chemin entre la vie et la mort, d’autres oscillent entre l’amour et la haine, d’autres enfin évoluent de façon équivoque entre deux sexes. Il en va ainsi de son duo d’anges travestis qui n’arrêtent pas de se quereller comme de petites amoureuses : se réclamant à la fois d’Eve et d’Adam, ce couple d’excentriques confère à la pièce un délicieux côté burlesque qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère ambivalente du Cabaret de Bob Fosse.
Déambulant dans un décor de mascarade, apparait tout d’abord La Fameuse (Timothée Boëda Binant) entièrement vêtue de blanc. A ses côtés, parade La Divine (Daniel Hederich) perchée sur ses hauts talons dans un libidineux fourreau de satin noir. Avec son regard cerné de sombre mascara et ses mains gantées à la Rita Hayworth, cet acteur nous livre un exquis portrait de Diva désenchantée.
Face à cette paire d’anges machiavéliques, la jeune Nina (Marion Brossard) nous fait songer à une véritable gamine. La voix juvénile et la silhouette frêle, elle possède l’allure d’un p’tit bouchon aussi tonique que sympathique. Pourvue d’une élocution précise et d’une belle assurance, cette comédienne chante avec amertume son amour pour Rimbaud, danse gracieusement sous la houlette de la Fameuse et n’hésite pas à se mettre réellement à nu devant l’âme immortelle de son poète vénéré.
Ce dernier est – trop – sagement interprété par Nathan Métral. Malgré son talent et sa bonne volonté, ce jeune artiste manque ici d’audace et de volupté pour incarner un aède aussi fougueux qu’Arthur Rimbaud. Afin de croire à l’authenticité de son personnage, on souhaiterait le voir plus lyrique et pourquoi pas plus insolent. La pièce de Nina Guazzini brosse en effet les grands traits d’un poète qui se veut aussi passionné qu’irrévérencieux: Où est-il donc passé?
A travers les critiques acerbes de La Divine et de La Fameuse, le texte de cette partition théâtrale met pourtant en perspective la vie dissolue et les dérapages verlainiens de Rimbaud.. On peut d’ailleurs y discerner une sorte de procès en filigrane d’un chantre sodomite qui se transforme progressivement en un questionnement sur les relations d’Arthur Rimbaud avec les femmes. En brodant autour de son poème de jeunesse « Les réparties de Nina », l’auteure a sciemment choisi d’explorer un versant féminin peu connu du poète maudit. En décortiquant ainsi ses vers dédiés à une certaine Nina, elle révèle une face inexplorée du personnage rimbaldien et interroge simultanément le public sur le thème de l’amour éternel.
Malgré l’inventivité de ce spectacle et l’énergie de ses interprètes, on regrette que la mise en scène de Nina Guazzini soit trop nébuleuse. Même si l’on se laisse agréablement porter par les chants et les déclamations poétiques de cette singulière création, son propos initial se perd régulièrement et laisse le spectateur dans un entre-deux assez inconfortable… C’est dommage!

M’sieur Rimbaud: un spectacle d’une fantaisie noire mais qui manque inéluctablement de fil conducteur.

PS: Avant d’aller voir M’sieur Rimbaud, relisez son poème « Les réparties de Nina », il vous donnera peut-être quelques indices pour comprendre la pièce…

M’sieur Rimbaud
Ecrit et mis en scène par Nina Guazzini
Avec Marion Brossard, Nathan Métral, Daniel Hederich et Timothée Boëda Binant

A la Folie Théâtre
6, rue de la Folie Méricourt
Paris 11e
Métro Saint-Ambroise

Jusqu’au 10 mai 2015
Du jeudi au samedi à 21h30
Le dimanche à 18h
Réservation: 0143551480
www.folietheatre.com

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