My two daddies : une réflexion émouvante sur l’homoparentalité

par
Partagez l'article !

Par Marie Der Gazerian – bscnews.fr/ My two daddies se dessine sur fond californien dans les années 1980. Travis Fine signe le drame révélateur d’une société américaine actuelle et pourtant vieille de plus de trente ans. À travers l’histoire du couple homosexuel formé par Rudy et Paul, le film choisit de défendre les droits attenants à la famille en tentant de démontrer que l’aptitude parentale ne dépend pas de l’orientation sexuelle.

Partagez l'article !

Les premières images du film suivent un jeune garçon de dos, aussi haut que large, pressant une poupée contre son cœur. Cette errance s’enveloppe de tendresse dans la froide obscurité de la ville. L’entrée en scène des deux personnages principaux prend l’atmosphère à contrepied. Rudy (Alan Cumming) est un chanteur travesti dans un cabaret de seconde zone. Lors d’une de ses prestations, il remarque Paul (Garret Dllahunt) assis au bar et lui adresse l’une de ses chansons. Liés le soir même, Rudy et Paul entament une relation amoureuse accélérée. Le tapage dans l’immeuble de Rudy le force à frapper à l’appartement voisin où il découvre une mère toxicomane et son fils handicapé. De mauvaise vie, la mère délaisse son enfant qui trouve refuge chez Rudy. La générosité de ce dernier le pousse à en prendre soin et à en parler à Paul. Le lendemain, la mère est arrêtée et son fils emmené par les services sociaux. Alors qu’ils traversent la ville en voiture, Rudy et Paul croisent Marco, le jeune handicapé trisomique. Echappé de son foyer, il tente de retrouver ses repères et sa maison. C’est alors que Paul et Rudy le recueillent chez Paul sans le signaler. Juridiquement très bien informé par son emploi au bureau du procureur, Paul va soutenir son conjoint pour obtenir la garde temporaire de l’enfant. La mère emprisonnée confie alors son fils aux deux hommes qui se présentent comme deux amis, mais dont elle ne doute pas de la liaison.
Avec des images de mauvaise qualité en gage d’authenticité, une longue séquence présente les moments de bonheur des trois hommes réunis en une famille extraordinaire. Education spécialisée, aménagement de la chambre et affection quotidienne environnent l’enfant dont les progrès physiques et intellectuels ne tardent pas. En charge de missions toujours plus importantes, Paul est invité chez son patron. Connu du bureau du procureur comme son cousin, Rudy est aussi convié à la fête, ainsi que son enfant. L’exubérance de Rudy et les liens apparents entre les deux hommes n’ont pas pu duper leur entourage. Très rapidement, la garde de Marco est remise en cause. Déterminés, les deux hommes tentent de réunir leur famille par des procédures judiciaires. Mais la société américaine va s’acharner sur les deux hommes. Les préjugés contre les homosexuels et leur mode de vie font peu à peu surface et remettent en cause la bienveillance du couple. Chaque erreur est reprise et examinée, du recueillement sans signalement aux baisers échangés devant l’enfant. Les procédures judiciaires se prolongent et l’espoir se tarit.

Le scénario est issu de l’histoire vraie d’un homosexuel auquel le film a donné un amant, Paul. Les décors et le stylisme du film ancrent profondément le spectateur dans le film et son époque, d’où il ne sort qu’une fois le générique de fin lancé. Alan Cumming est étonnant dans le rôle de Rudy, entre charisme scénique et douceur paternelle. L’interprétation de Marco par Isaac Leyva est touchante et attachante, de concert avec le film. Les acteurs qui animent les procès sont remarquables de justesse et témoignent des réticences réelles auxquelles les homosexuels ont eu affaire. Les jugements moraux concernant l’homosexualité plongent le spectateur dans l’ampleur du débat de l’époque. Les réactions et actions des différents personnages ne laissent que peu d’espoir au couple. En revanche, force est de constater l’amour de Paul et Rudy et leur priorité pour l’intérêt de l’enfant. Le film pointe du doigt le fond de la question, à savoir ce qui entre l’éthique d’une société et le bonheur d’un enfant est prioritaire. Une question morale de premier ordre, toujours d’actualité.

My two daddies
Un film de Travis Fine
Avec Alan Cumming, Garret Dillahunt, Isaac Leyva, Frances Fisher, Gregg Henry
Sortie nationale le 8 janvier 2015

A voir aussi ( ou pas…):

The Cut? Le réalisateur Fatih Akin brise l’omerta turque autour du génocide arménien

A Most Violent Yea­r : J.C Chandor déconstruit avec brio le mythe du gangster

Ceci est mon corps: le pèlerinage sexuel d’un curé de campagne

Into the Woods : la comédie musicale de Broadway enfin sur grand écran

Wild : Reese Witherspoon en marche vers un nouvel Oscar?

Qu’Allah bénisse la France: une biographie partagée entre slam et islam

La Belle Jeunesse : portrait d’une société misérablement belle

Imitation Game: un superbe éloge à Turing, le premier hacker de l’histoire

Retour à Ithaque : un huit clos à ciel ouvert

Mary, Queen of Scots : portrait ambivalent d’une triple reine

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à