Mary Prince: les sombres confessions d’une esclave des Antilles

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Mary Prince n’est pas une pièce théâtrale à proprement parler. Présentée sous la forme d’un monologue, elle s’apparente davantage à un témoignage s’inspirant de l’authentique biographie d’une esclave des Antilles. Publiée en 1831, The History of Mary Prince a soulevé un énorme débat au sein de l’opinion publique britannique car bien qu’a cette époque l’esclavage ne fut plus légal au Royaume-Uni, le Parlement ne l’avait pas encore aboli au cœur de ses colonies.

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Seule sur scène durant plus d’une heure, la comédienne Souria Adèle a le mérite de porter pour la première fois au théâtre ce texte douloureux mais ô combien véritable. De sa voix grave et monocorde, elle déclame dans une prose simple une bien triste épopée: on y découvre Mary, une toute jeune « négresse » née à la fin du XVIIIe siècle dans une ferme des Bermudes. Arrachée à douze ans aux jupes de sa mère, la fillette est examinée et palpée comme un mouton avant de se retrouver vendue en tant qu’esclave. Ballotée entre les Bermudes, Antigua et les salines des îles Turques, Mary change de maître selon les saisons, trime jour et nuit comme une bête de somme, laisse ses pieds pourrir dans les marais salants et ne trouve de réconfort qu’en chantant secrètement des cantiques à l’église. Durant plus de quarante ans, Mary doit ainsi s’accommoder à subir des centaines d’outrages de la part des Backra, ces propriétaires blancs des Antilles qui ne lui laissent même pas racheter sa propre liberté. Elle ne doit son salut qu’à sa fuite lors d’une escale londonienne durant laquelle des abolitionnistes l’ont aidée à quitter ses maîtres. Ce sont ces mêmes anti-esclavagistes qui ont participé à son affranchissement et l’ont ensuite soutenue dans la rédaction de ses si précieuses mémoires.
C’est avec un mélange de pudeur et de dignité que Souria Adèle nous raconte ce poignant cheminement. Sans aucune fioriture, elle décrit les coups de fouets, les humiliations, les maîtres successifs aussi cruels qu’indécents, sans parler des séances quotidiennes à la rugoise, cette horrible lanière de cuir torsadé. Malgré cette avalanche d’horreurs, l’interprétation de la comédienne ne bascule jamais dans le registre pathétique: droite comme sa canne qui l’aide encore à tenir debout, Souria Adèle demeure distante et posée par rapport à ce texte si brut. Afin d’accentuer sa froide sobriété, Alex Deccas a également opté pour une mise en scène discrète qui se résume à des jeux de lumière sur un plateau entièrement nu.
On peut donc être quelque peu dépité par le manque d’artifices scéniques et l’absence d’émotion qui se dégage de la figure de Mary mais à bien y réfléchir, c’est un choix qui se justifie: en prenant ce recul par rapport à des événements passés, la protagoniste conserve intérieurement sa rancoeur, mais elle acquiert une noblesse d’âme et prend de la hauteur pour dresser un bien amer constat sur les conséquences de la traite négrière.
Face à ces paroles posées mais puissantes, le public demeure solennellement silencieux: pas un bruit n’ose s’échapper de la salle devant une telle confession. Au bout d’une heure, on peut certes reprocher à ce discours d’être trop répétitif dans la description des mauvais traitements mais de quoi nous plaignons-nous? Nous n’avons qu’à les entendre bien assis dans nos fauteuils de velours! Mary Prince, elle, a du les subir tout au long de son existence.
Mary Prince? Un rare témoignage sur l’esclavage dont la raisonnance perdure encore aujourd’hui à travers la traite des êtres humains …

Mary Prince
Mise en scène Alex Descas
Interprétée par Souria Adèle
D’après le récit autobiographique « The History of Mary Prince »

Manufacture des Abbesses
7, rue Véron – Paris 18e
M° Abbesses

Jusqu’au 20 Décembre 2014
Mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19h
Relâche les 24 et 25 décembre Prince: autobiographie scénique d’une esclave des Antilles

le 16 octobre 2015 : représentation scolaire à Ozoir la Ferrière
Le 11 mars 2016 : Atrium de Chaville (650 places !!!!)
Le 15 mars : scolaire theatre Victor-Hugo de Bagneux
Le 8 avril 2016 : Saint-Astier en Dordogne
le 10 mai 216 ; le Forum de Blanc-Mesnil
Du 30 mai au 10 juin / tournée en Guyane (Macouria, Saint-Laurent du Maroni,Mana, Cayenne)
Festival OFF Avignon 2016.

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