Mary, Queen of Scots : portrait ambivalent d’une triple reine

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr / Reine d’écosse à six jours, mariée au roi François de France à quinze ans, souveraine d’Angleterre à la mort de sa cousine Tudor, Marie Stuart est l’une des rares figures féminines à avoir porté une triple couronne. Sa destiné fut cependant tragique car elle perdit non seulement tous ses royaumes mais également ses trois époux avant de se faire enfermer pendant vingt ans par Elisabeth Ière qui décida finalement de la décapiter.

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Le parcours funeste de cette femme a inspiré de nombreux compositeurs et écrivains parmi lesquels Stefan Zweig qui lui consacra au siècle dernier une superbe biographie. Séduit par cet ouvrage romanesque, le réalisateur suisse Thomas Imbach s’est à son tour lancé dans un hommage personnel à cette reine martyre. En allant voir son adaptation cinématographique Mary, Queen of Scots, ne cherchez surtout pas de film épique à grand spectacle: son long métrage est une oeuvre intime qui se penche sur l’aspect psychologique de la Reine d’Ecosse sans s’attacher à ses frasques ou à ses amants.
Dès le début du scénario, Thomas Imbach dessine le portrait d’une toute jeune monarque victime de sa propre naissance: expédiée d’un royaume à l’autre comme une précieuse marchandise, elle n’a pas son mot à dire et doit dès l’enfance se soumettre aux alliances matrimoniales et politiques. C’est dans ce contexte oppressant d’intrigues et de complots, que Marie tente d’acquérir son statut de femme. Derriere l’ombre imposante de sa lourde couronne transparait ainsi une jeune fille amoureuse, tolérante mais indécise. Marie n’est pas libre de choisir ses courtisans, ses maris, ni même sa religion car sa foi catholique va à l’encontre du mouvement réformiste proféré par l’irascible John Knox.
Entourée de traitres et d’envieux, elle ne cesse de se remettre en question et se révolte parfois mais chacune de ses rebellions divisent le pays et la met constamment en danger. Bien que reine, Marie ne possède aucun allié. Son frère l’a trahie avec les protestants, son second mari Lord Darnley jalouse maladivement son trône, quant à sa puissante cousine, Elisabeth d’Angleterre, elle la considère comme la pire des rivales: arrogante et lointaine, Miss Elisabeth refuse toute relation familiale ou diplomatique avec le Royaume d’Ecosse et ne répond à aucune des multiples missives de sa concurrente.
En mettant en avant les pensées intimes et les lettres secrètes de Marie Stuart, Thomas Imbach donne un ton épistolaire et méditatif à son long métrage. Cette approche narrative ainsi que la prise de parole à la première personne confèrent au film une certaine lenteur qui le déprécie. Outre ce manque de rythme, l’atmosphère lancinante du scénario est accentuée par le cadrage et les singuliers jeux de lumière du réalisateur: Thomas Imbach aime les pièces et les lieux sombres éclairés uniquement à la bougie, et lorsqu’il se décide à dépeindre la transcendante nature écossaise, on a l’impression qu’il fait exprès de trainer sa caméra dans les ronces et le lichen humide. Cette approche au ras du sol donne une image hostile et dévastée de ce sublime pays qui alourdit excessivement la dimension tragique du film. Certes Marie Stuart a mené une existence sombre et tortueuse mais elle a aussi goutté à certains plaisirs. Pourquoi Thomas Imbach se complait-il à ce point à montrer la part d’ombre de cette souveraine et de son royaume? Par delà les meurtres, les conflits politiques et les emprisonnements, qu’en est-il des pulsions amoureuses de sa protagoniste, de ses joies, de son éducation à la cour de France ou même de son talent de poétesse?? A force de creuser dans le registre dramatique de son personnage, le réalisateur s’enlise et embourbe l’esprit du spectateur: il ne parvient ni à nous offrir le portrait d’une reine, ni celui d’une femme. Sa façon de diriger l’actrice principale (Camille Rutherford) suit cette démarche ambiguë: malgré sa haute stature et son port altier, Mlle Rutherford manque réellement de prestance et de pugnacité pour incarner Marie Stuart. D’un autre côté, sa moue boudeuse et son air juvénile la font ressembler à une enfant fragile et innocente mais elle ne possède pas non plus le lyrisme ou l’indolence d’une héroïne romantique. A l’exemple de ce rôle ambivalent, le film est difficile à cerner: Mary, Queen of Scots n’est ni une fresque historique (car elle manque d’ampleur et de données précises), ni un portrait psychologique (car elle ne fait que survoler le côté sombre d’un être), ni même une oeuvre romanesque (car la mise en scène manque indubitablement de lyrisme et de sentiments).
Dans cette longue introspection d’une souveraine martyre, seule la musique et la présence de Mehdi Dehbi (Rizzio) illuminent vraiment le film: avec son nez mutin et sa verve exquise, ce jeune acteur nous offre un « bouffon de la reine » des plus charismatiques. Dommage qu’il se fasse si vite assassiner…

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