Des chevaux et des hommes: un très beau film baroque venu d’Islande

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Des chevaux et des hommes est une perle baroque tout droit issue des récifs escarpés de la mer d’Islande. L’histoire prend place dans une petite vallée isolée du monde où les maisons peuvent encore se compter sur le bout des doigts.

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Les quelques paysans qui y demeurent sont des taiseux qui passent leur temps à travailler la terre tout en élevant des chevaux. C’est au cœur de ces plaines trop souvent gelées que le fier Kolbeinn (Ingvar Eggert Sigurdsson) s’éprend de l’aguichante Solveg (Charlotte Bøving). Par le biais d’une cour pudique et feutrée, il tente pas à pas de séduire sa belle qui, de son côté, ne cesse de remuer la croupe…Parallèlement à cette singulière parade amoureuse, leurs montures ne demeurent pas en reste : comme le montre si bien l’affiche du film, l’étalon de Solveg aura même l’audace de monter fougueusement la jument de Kolbeinn en présence de son maitre! Cet acte humiliant engendrera de terribles conséquences au sein de ce microcosme rural si scrupuleusement réglé par le trot harmonieux des équidés.

Dans ce long métrage à la fois étrange et picaresque, le réalisateur Benedikt Erlingsson se sert habilement d’une histoire d’amour afin de mettre en avant la très belle complicité liant depuis des siècles les paysans islandais à leurs destriers. Sous les ciels grandioses de son île natale, il rend un magnifique hommage aux chevaux qu’il a dévotieusement filmés à l’égal de ses protagonistes. Privilégiant les séquences rapprochées, sa caméra scrutatrice caresse leur robe soyeuse, détaille leur démarche altière et s’attarde à loisir sur leur galop aussi élégant que rustique. Chacun des six chapitres du film débute d’ailleurs avec un focus sur les yeux de ces équidés suivi d’un lent travelling arrière: à travers l’œil triste et fou des chevaux, le spectateur est ainsi symboliquement invité à se questionner et à analyser le comportement des humains qui se reflètent dans le regard trouble de l’animal. Qui de l’homme ou du cheval est le plus proche de la bête: celui qui répond ouvertement à ses pulsions ou celui qui les dissimule hypocritement? En plaçant l’étalon à l’égal de l’homme, Benedikt Erlingsson ne porte pas de jugement. Il se contente de montrer les comportements parallèles de ces deux créatures en explorant tour à tour le sentiment amoureux, la jalousie ou les dérives de la solitude. Avec un humour noir et un cynisme très particulier, il nous invite à partager les joies et les drames d’une toute petite communauté dont le sang descend directement des peuples vikings. Derrière l’apparente tranquillité de ces paysans islandais, on découvre ainsi un monde à double tranchant où l’homme et l’animal s’entraident, s’aiment et se tuent selon les aléas du destin: entre une course de paysans hargneux montés sur leurs tracteurs et un cheval sauvagement sacrifié pour ne pas mourir de froid, les situations se succèdent, violentes, cocasses ou rocambolesques. Parmi les scènes les plus belles à voir, citons celle où une jeune fille semblable à une Walkyrie parvient à ramener au village une dizaine de juments sauvages dont l’une possède d’hypnotiques yeux bleus. L’épisode le plus surréaliste du film demeure cependant celui où l’on découvre un ivrogne s’avançant aveuglement avec sa pouliche dans la mer gelée pour aller acheter de la vodka à bord d’un chalutier russe: au cœur de ces fjords immenses et splendides, on réalise alors à quel point l’homme peut devenir l’esclave de ses pulsions. Cette scène, somptueuse et abracadabrante, est à l’exemple de l’ensemble du film: son esthétique est irréprochable et son humour totalement déjanté! Cette approche créatrice doit être propre aux réalisateurs insulaires: dans la lignée du britannique Peter Greenaway, Benedikt Erlingsson nous livre à son tour une œuvre cinématographique grotesque et intelligente où la nature humaine révèle crûment toutes ses facettes.

Des chevaux et des hommes? Une tragicomédie aussi mordante que le froid islandais. C’est tout simplement beau, fou, inclassable… À déconseiller cependant aux enfants sensibles.

Des chevaux et des Hommes
Un film de Benedikt Erlingsson
Avec : Ingvar Eggert Sigurdsson, Charlotte Bøving, Helgi Björnsson, Sigridur
Maria Egilsdottir, Maria Ellingsen, Juan Camillo Roman Estrada…
Islande 2013
www.deschevauxetdeshommes-lefilm.com

Au cinéma le 23 juillet 2014

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