Huis Clos de Sartre? Une coloc infernale!

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Par Florence G. Yérémian – bscnews.fr/ Trois personnes se rencontrent dans un lieu clos. Accueillies successivement par un étrange garçon d’étage, elles se retrouvent enfermées dans une pièce sombre ayant pour seuls ornements quelques vieux fauteuils et un imposant chandelier. Ces êtres ne se sont jamais croisés auparavant et pourtant les voici condamnés à cohabiter pour une durée indéterminée. Au coeur de ce trio impromptu se distingue Garcin, un intello lâche et hypocrite, Estelle, une pimbêche guindée totalement imbue de sa personne, et puis il y a Inès. Inès est une grande gueule, une marginale lucide, une femme à femmes qui ne demeure pas insensible aux charmes de la plantureuse Estelle.

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Au fil de leurs conversations et de leurs disputes, ces trois captifs vont peu à peu se découvrir et faire tomber les masques. Alternant les confessions intimes et les flash-back, ils vont progressivement gravir les échelons de leur sordide vérité et comprendre quels crimes les ont poussés vers cet ultime abime. En leur fort intérieur, chacun sait pertinemment ce qui l’a conduit en ce lieu infernal mais il y a tout un chemin de croix à parcourir avant d’oser s’avouer l’indicible et surtout le révéler à autrui…
Dans cet enfer psychologique, nulle trace de fourche, de souffre pestilentiel ou de sordide empalement. Ici, la torture est purement mentale. Elle débute par un questionnement intérieur, se poursuit dans le déni, s’édulcore de mensonges et finit par anéantir ses victimes. Regrets, pleurs, amertume, rien ne peut leur permettre de revenir en arrière, voilà pourquoi ces trois damnés sombrent pas à pas vers l’exaspération et la folie. Il faut dire qu’au sein de cette arène mortuaire où tous les coups sont permis, il n’est hélas plus possible de tuer ses ennemis… la faucheuse s’en est déjà chargée.
Dans cette mise en scène ardente et dépoussiérée de Huis Clos, Joyce Franrenet nous propose une vision plutôt cocasse de l’oeuvre sartrienne. Le drame existentialiste y perd un peu en profondeur mais y gagne incontestablement en ironie. Les quatre personnages de la pièce sont en effet très caricaturés et chacune de leurs interprétations apporte une dimension quasi burlesque à cet Enfer. Maud Vincent (Estelle) se régale à jouer les pin-up embourgeoisées: avec sa bouche en coeur et ses roulements de hanches, elle en fait vraiment trop mais, étonnamment, on est sous le charme. A ses côtés, Jean-Baptiste Alfonsi compose un Garcin couard et caustique; bien qu’il incarne un profil de crapule pusillanime, sa prestation manque un peu d’aisance et de stature. A l’inverse, Joyce Franrenet nous offre une Inès rebelle et opiniâtre : avec son oeil pervers et sa gouaille haineuse, elle habite pleinement son rôle de pécheresse solitaire qui ne cesse de jubiler en triturant les nerfs de ses colocataires. Malgré ses rares apparitions, saluons enfin Zach Naranjo : son look de croque mort et ses yeux couleur sang font de lui un garçon d’étage des plus « diaboliques »!
Cette nouvelle adaptation de Huis clos? Impertinente, sarcastique, contemporaine… mais chacun des spectateurs pourra y porter son propre jugement… dernier.

Huis Clos
de Sartre
Mise en scène de Joyce Franrenet
Avec Jean-Baptiste Alfonsi, Joyce Franrenet, Zack Naranjo, Maud Vincent

Laurette Théâtre
36, rue Bichat – Paris Xe
Métro République ou Goncourt

Jusqu’au 7 novembre 2014
Le vendredi à 21h30
Réservation: 0142088333

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