L’attentat : l’adaptation théâtrale de la Cie Humani Théâtre

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Crédit-photo: DR/ Le docteur Amine Jaafari, chirurgien israélite d’origine arabe, découvre, avec horreur et hébètement, que l’attentat, à Tel Aviv dans un restaurant , qui vient de faire un vingtaine de morts, a été causé par son épouse qui s’est fait exploser au milieu des clients.

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Comment accepter l’inadmissible, comment comprendre que l’être avec lequel vous partagiez votre vie vous a menti à ce point? Amine Jaafari décide de mener sa propre enquête pour essayer de percer à jour ce qui l’empêche de dormir. Entre enquête policière et jalousie amoureuse, cette histoire nous mène de Tel Aviv jusqu’en Palestine : de l’interrogatoire musclé de la police israélienne aux rencontres avec des actifs terroristes, des mains tendus des amis de Tel Aviv au repas chaleureux avec la famille en Palestine.
La mise en scène de Fabien Bergès est pertinente et le choix des cages en fer mobiles de Julia Kravtsova permet de délimiter des lieux, de créer des atmosphères diverses qui conviennent à celle du roman. On est cependant moins convaincu de façon générale par la direction d’acteurs que l’on trouve inégale selon les rôles multiples que composent chacun des comédiens. Mathieu Zabé, par exemple, qui interprète Amine, tarde quant à lui à « se mettre en route », peine à trouver la mine défaite appropriée aux circonstances dramatiques de l’ouverture…même si on lui accorde cependant la difficulté de l’exercice. La pièce dispose d’un bon rythme et l’ennui ne vient toutefois pas peser sur les paupières des spectateurs: il faut dire que cette quête tient en haleine et que, de dangers en interrogation métaphysiques, la pièce ne manque pas de stimuler l’esprit du spectateur.

On ajoutera cependant qu’au sortir de la pièce, il est possible qu’un léger malaise étreigne certains spectateurs : si l’on perçoit bien, effectivement, l’engagement pro-palestinien choisi par la compagnie, il semble que cette fiction romanesque, propulsée sur une scène, échappe un peu à son concepteur : le théâtre nécessite en effet des coupures franches dans le texte initial, des raccourcis, des simplifications et chaque mot est plus ou moins convaincant selon le charisme et la sensibilité de son orateur : les activistes terroristes sont ainsi plutôt diablement sympathiques dans cette pièce. De surcroît, la femme d’Amine est tant de fois évoquée comme une figure angélique et admirable par la majorité des personnages qui peuplent le plateau qu’on finit presque par adhérer et justifier son attentat-suicide. Or si le désespoir, les conditions terribles de vie des palestiniens et la nécessité d’ouvrir les yeux sont un sujet qui a toute sa place sur un plateau, il faut veiller à ce que le message ne puisse pas être mal interprété, notamment par des adolescents ( souvent nombreux dans les salles de théâtre). Chercher à comprendre peut finir par être dangereux. On ne peut en effet pas tout justifier : aucun désespoir ne justifie de sacrifier d’autres vies innocentes. Le travail de la Compagnie Humani Théâtre s’achève sur l’explosion d’une bombe israélienne sur un lieu de rassemblement religieux palestinien autour du Cheikh Marwan, comme dans le roman…et donc pas sur un dialogue apaisant. Aussi, après avoir serré les dents et pesté contre ce conflit qui s’enlise et semble ne pas pouvoir se résoudre, notre estomac donnerait presque envie d’appliquer la loi du Talion : est-ce là où voulait nous mener ce travail? La faute à Yasmina Khadra ou à la difficulté de parler sur scène de problématiques aussi épineuses que le conflit isréalo-palestinien?

L’attentat
D’après le roman de Yasmina Khadra ( Ed.Julliard,2005)
Par la Cie Humani Théâtre
Adaptation et mise en scène: Fabien Bergès
Avec Marine Arnault, Jérôme Benest, Florence Bernard, Thierry Capozza, Guillaume Guerin, Didier Lagana, Jérôme Petitjean et Mathieu Zabé.

Dates de représentation:

– Les 15,16 et 17 janvier 2014 au Théâtre Jean Vilar à Montpellier ( 34)

-Le samedi 27 septembre 2014 à 20h30 au Théâtre de verdure de Viols en Laval.

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