Jeunes filles : méfiez-vous des castings, vous y risquez la mise à nu physique et mentale !
Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Une chaise haute, un polochon en guise de partenaire et un projecteur « façon Gestapo » à la lumière bien stridente pour impressionner les âmes sensibles.
Dans ce décor sommaire vont se succéder une douzaine d’adolescentes venues passer un casting cinématographique. Pour l’instant, elles s’entassent dans le couloir adjacent, la peur au ventre et l’espoir en tête. La première fait son entrée dans cette pièce silencieuse. Une voix s’élève alors, grave et autoritaire: « Fermez la porte. Pourquoi êtes-vous là, Mademoiselle? Savez-vous chanter? Êtes-vous amoureuse en ce moment? Jusqu’où me montreriez-vous vos seins?… »
L’approche autoritaire du metteur en scène est expéditive et ne laisse que peu de temps à la réflexion. Cet assaut intrusif mené par une voix invisible a de quoi déstabiliser une gamine de seize ans. Certaines des candidates résistent, d’autres répondent crûment mais la plupart se plient aux requêtes perverses de ce grand ponte du 7e Art. En tant que Maitre du plateau, il s’octroie tous les droits et semble se délecter de voir fléchir ses proies les unes après les autres. Il faut une sacrée dose de perversion ou de lâcheté pour abuser ainsi d’une jeunesse prête à tout donner dans l’espoir d’obtenir LE rôle de sa vie ! Et pourtant cette mise en scène n’est qu’un faible reflet de l’impitoyable univers qui enclave les actrices.
En regardant défiler tous ces jolis minois, vous allez vous-même avoir l’étrange sensation de devenir casteur : laquelle vais-je choisir? La fugueuse en mal de vivre? La surdouée qui n’hésite pas à se lancer dans un cours sur la digestion? L’anxieuse à la peau d’ébène? La blonde qui ne lâche pas son i-phone ? Toutes ont leurs attraits et leurs fragilités. Au fil de cet interrogatoire inquisiteur, on se surprend à devenir complice de ce metteur en scène sans scrupule : les filles se confient, s’ouvrent et l’on devient peu à peu voyeur à notre tour ! En prenant du recul, on se demande néanmoins quelle est la réelle intention de ce machiavel ? Lorgner une brochette de nymphettes prêtes à s’offrir pour cinq minutes de gloire ou trouver la muse de son prochain film, celle qui redonnera de la sève à sa création stagnante?
C’est avec une grande fraicheur de jeu que les six comédiennes se livrent à ce faux casting. Alternant les rôles avec vivacité, elles nous offrent une séduisante palette de visages et d’émotions : tour à tour fragiles, arrogantes, rebelles ou déterminées, elles interprètent leurs personnages stéréotypés avec bagout et assurance. Face à ces talentueuses artistes, on sourit en reconnaissant la voix rauque et séculaire de Jacques Higelin. A la fois agacée, vorace et arrogante, sa diction particulière correspond tout à fait à celle d’un voleur d’enfance.
En imaginant un homme d’âge mûr face à une starlette en fleur, on ne peut que songer à Zulawski. Bergman ou Besson qui ont fait de leur actrices des amantes trop soumises. La pièce de Marie Billetdoux est sensible et intéressante car elle met en exergue le rapport entre dominant et dominé tout en nous faisant réfléchir à la permanence des liens existant entre le sexe et la création. Même si la chute finale nous laisse un peu sur notre faim, la démarche est courageuse et bien interprétée. Emmenez-y vos ados pleines de rêves et d’illusions : mieux vaut prévenir que courir les castings !!!
Entrez et fermez la porte
Texte et mise en scène: Marie Raphaële Billetdoux – auteur de « Mes nuits sont plus belles que vos jours » (Prix Renaudot 1985)
Avec : Léa Dauvergne, Margaux Vallé, Jeanne Monot, Armelle Abibou en alternance avec Marion Trémontels, Cqmille Lockhart, Aurélie Noblesse et la voix inégalable de Jacques Higelin
Ciné XIII théâtre
1 avenue Junot – Paris 18e
M° Abbesses ou Lamarck
Jusqu’au 30 mars 2014
Du mercredi au samedi à 20h
Le samedi et le dimanche à 17h
Réservations: 0142541512
HYPERLINK www.cine13-théâtre.com
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