PMA et pédophilie : pour l’Eglise, la dignité des enfants a un sens pluriel

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Le 25 septembre 2018, la Conférence des Évêques de France a publié sa “contribution au débat sur la régulation juridique des techniques d’assistance médicale à la procréation”. Une initiative bienvenue dans une époque où la pensée unique et le « mainstream » font la loi. Mais la voix de cette institution est de moins en moins audible à cause de sa mauvaise gestion des affaires liées à la pédophilie.

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Pour mieux comprendre cette situation, il suffit de lire la presse de ces dernières semaines. Le 1er novembre, le père Pierre Vignon, prêtre dans la Drome, a été sanctionné après avoir demandé la démission du cardinal et archevêque de Lyon, Philippe Barbarin. Le 21 août 2018 – au lendemain de l’invitation du pape François adressée aux catholiques du monde entier – le curé drômois avait écrit une lettre ouverte, accompagnée d’une pétition. Le 31 octobre, sur le site du diocèse de Luçon en Vendée, le nouvel évêque Mgr François Jacolin, a annoncé la suspension provisoire de deux prêtres. Il s’agit des deux hommes d’Eglise encore en vie, sur les huit ou neuf ayant travaillé au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers entre 1950 et 1979. Ils sont soupçonnés d’avoir commis des abus sexuels sur des enfants. Le 30 octobre, au Tribunal correctionnel d’Orléans s’est ouvert le procès contre deux religieux. L’abbé Pierre de Castelet, est accusé d’« atteintes sexuelles ». L’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort, et accusé pour « non-dénonciation ». Les faits remontent à 1993.Le 12 octobre, la communauté charismatique « Les Foyers de Charité »  a publié sur son site un « Message aux membres et aux amis des Foyers de Charité au sujet du père André-Marie van der Borght » pour dénoncer « gestes déplacés » et «comportements inappropriés » que le père fondateur de cette association (décédé en 2004) aurait eu à l’égard de certaines femmes.

Mais quel est lien entre ces faits divers et la prise de position des évêques français sur la PMA ? C’est le double langage de l’Eglise française.

Dans la déclaration sur la PMA les évêques de France  déclarent – au point 2 – que  « l’Église catholique se doit de valoriser la dignité des enfants” […] l’Église catholique pose avant tout un regard contemplatif sur chaque être humain dont elle cherche à percevoir la profondeur et le mystère, à toutes les étapes de sa vie ». Et plus loin – au point 6 – ils affirment : « Nous pensons enfin que ce respect vis-à-vis de la personne la plus vulnérable est la “pierre d’angle de l’éthique ».

En revanche, dans les affaires liées à la pédophilie, les évêques français semblent continuer à ne pas réaliser que la situation est grave et qu’on leur demande de rendre des comptes. Certes, désormais, ils collaborent systématiquement avec la justice et suspendent des prêtres soupçonnés d’abus sur des mineurs. Certes, ils célèbrent des messes en demandant pardon aux victimes, mais cela suffit-il ?

Il semblerait qu’une bonne partie des hiérarchies de l’Eglise de France a choisi le « service minimal » ou d’appliquer des «purges » internes.

Le père Vignon a été notamment relevé de ses fonctions  au tribunal ecclésiastique de Lyon.

Les Foyers de Charité ont préféré rédiger un « message » plutôt que convoquer une conférence de presse. Contacté par l’AFP, la porte-parole des Foyers de Charité, Honorine Grasset a expliqué que: « L’enjeu de cette démarche, c’est de permettre à des personnes de parler » et que « dans les témoignages qu’on a reçus jusqu’à présent, il ne s’agit ni de pédophilie, ni de viol et il n’y a pas de violence ». Une initiative juste et nécessaire. Sollicitée, Honorine Grasset n’a pas répondu aux questions de Putsch (*) c’est Rozenn Olivry , directrice de la communication des Foyers de Charité, qui l’a fait (**) à minima…

A partir du 3 novembre 2018, les évêques français se sont réunis à Lourdes en assemblée plénière. Ils ont reçu à cette occasion certaines victimes de prêtres pédophiles. Espérons que les témoignages de ces personnes parviennent à faire enfin réagir l’Eglise de France pour qu’elle en finisse avec l’omerta et les abus de pouvoir, dénoncés par le pape lui-même dans la lettre de cet été.

Tant que cette attitude de l’Eglise ne changera pas, toute prise de parole ou contribution aux débats de société de cette institution résultera irrecevable et exposée aux attaques de ses opposants.  Tout cela aux frais des fidèles et des très nombreux prêtres, religieux, religieuses et évêques qui, malgré tout, essaient de « faire toute la lumière » comme leur a demandé le pape.

 

 

 


(*) Liste des questions envoyées par Putsch aux Foyers de Charité le 12 octobre 2018

1 – Combien de témoignages avez-vous reçu pour l’instant ?
2 – Pourquoi vous n’avez pas envoyé un communiqué de presse ?
3 – Parmi les témoignages que vous avez reçu figurent aussi ceux de mineurs ?
4 – Quel est la période à laquelle font référence les témoignages et quand vous les avez reçus ?
5 – Pourquoi les comportements dont fait objet le message publié sur votre site, n’ont pas étés dénoncés avant par les responsables après le décès du fondateur ?
6 – Dans le cas où des éventuels problèmes internes à votre groupe se produisent, quels sont les procédures pour informer vos responsables ?
7 – Pourquoi à votre avis ils n’ont pas été utilisés auparavant ?
8 – Craignez-vous d’autres témoignages ?
9 – Avez-vous prévenu les autorités judiciaires ?

(**) Réponse reçue par les Foyers de Charité le 12 octobre 2018

Bonsoir,

Pour répondre aux questions envoyées, concernant le fait de prévenir les autorités judiciaires, vous comprendrez que le père Van Der Borght étant décédé depuis 2004, cette démarche est rendue inutile et impossible.
Nous avons porté à la connaissance du public les éléments qui sont dans le courrier du père Modérateur des Foyers de Charité pour que d’éventuelles autres victimes, qui souhaiteraient être reconnues, puissent se faire entendre.

Cordialement,

Rozenn Olivry
Directrice de la communication des Foyers de Charité


Crédit photo : Joshua Humphrey sur Unsplash)


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