Opéra de Montpellier : une Carmen sidérale

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L’Opéra national de Montpellier a confié au jeune réalisateur letton, Aik Karapetian, la production d’un nouvel opus de Carmen. Une version du célèbre opéra-comique de Georges Bizet futuriste et inquiétante.

Epiderme azur, atours futuristes : telle est « la Carmencita » imaginée par le metteur en scène Aik Karapetian. Le rideau se lève sur des images intergalactiques qui entraînent le spectateur aux confins d’une mystérieuse galaxie, un univers céleste hors du temps et de l’espace. Sur scène, les costumes rappellent des films de science-fiction alors que plusieurs lunes servent de décor et éclairent l’action de cette étrange troupe.
On se croirait à la fois dans Star Trek, Game of Thrones ou encore Le Seigneur des Anneaux. Apparaît une Micaëla phosphorescente et lunaire, que l’on imagine en elfe échappée de la saga de Tolkien. Son interprète, Ruzan Mantashyan, soprano hypnotique, est un savant mélange d’onirisme lyrique et corporel.

La modernité donc, pour un opéra qui date de 1875, dont l’habit futuriste accentue l’intemporalité et la gravité : les fondamentaux de Carmen sont pourtant là, de l’émancipation de la femme à la tragi-comédie des situations.

En têtes d’affiche, Anaïk Morel campe Carmen et Alexandre Duhamel incarne Escamillo. La mezzo-soprano interprète une Carmen charismatique, reine autoritaire et sûre d’elle, non dénuée d’humour et d’émotions pour autant, notamment quand elle évoque d’un ton déconcertant et espiègle ses amours bohèmes. Elle exprime la puissance d’une femme d’une intense modernité, libre, se souciant peu de l’avis des hommes qui l’entourent et la courtisent. A l’heure où la libération de la parole de la femme alimente les débats, cette force de caractère revêt une aura toute particulière et insiste sur la conclusion évidemment tragique.

Escamillo, de son côté, a des airs de gladiateur, sanglant et déterminé. Le baryton toréador est plus réel, sous sa parure tachée de sang et son visage humain, aussi « banal » que celui de Don José et d’autres hommes « terriens » qui peuplent la chimérique planète, lieu de combat entre déité et humanité. A l’ère des jeux de domination planétaires, cette guerre des mondes sous des traits fantastiques et authentiques n’en est que plus épique et surprenante, conférant à l’œuvre son originalité et son mysticisme assortis d’un discours très contemporain.

Les puristes de ce classique seront peut-être déroutés mais cette version de Carmen aux frontières du réel est autant sidérale que sidérante.

Carmen
Opéra national de Montpellier Occitanie
Opéra-comique de Georges Bizet
Les 16, 20 et 22 mars 2018
Avec : Anaïk Morel, Alexandre Duhamel, Ruzan Mantashyan, Robert Watson
Orchestre et chœurs de Montpellier
Mise en scène : Aik Karapetian
Direction musicale : Jean-Marie Zeitouni

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