Un Poyo Rojo : combat de coqs burlesques et séducteurs

par
Partagez l'article !

Par Olivier Fregaville-Gratian d’Amore – Deux corps aux muscles saillants, luisants de transpiration, se jaugent, se cherchent, s’effleurent et se repoussent. De ce combat de coqs nait une danse intense, charnelle, presque érotique qui bouleverse les sens et nous entraîne dans la bestialité physique et organique des rapports humains. Avec humour et ingéniosité, Hermes Gaido se joue des codes de la virilité, mêle les genres et signe une pièce surprenante sur le désir… un bijou hilarant et poétique porté par deux magnifiques artistes.

Partagez l'article !

L’argument. Lutte, danse ou cabaret ? Deux sportifs mâles dans un ballet hilarant qui fait éclater tous les stéréotypes phallocrates. Le spectacle se joue à guichets fermés depuis dix ans en Argentine. Une irrésistible distorsion des schémas masculins.

La critique. Alors que les spectateurs s’installent tranquillement dans la salle Jean Tardieu du Théâtre du Rond-Point, dans la pénombre de la scène, deux silhouettes s’échauffent. On aperçoit ainsi deux hommes qui s’étirent, bandent leurs muscles. Chacun de leur côté, ils étirent leurs membres, déploient leurs bras, contorsionnent leurs corps. Petit à petit, le silence s’installe. Les lumières quittent la salle pour éclairer le plateau, presque nu.

Poyo Rojo : une mise en scène ciselée et la virtuosité des interprètes

Au centre, un casier à six portes qui rappellent les vestiaires de salle de sport. De part et d’autre, se tiennent deux hommes en débardeur et jogging. Ils se jaugent, s’évaluent et se comparent. Quel est le plus fort des deux des deux ? Dans quel domaine ? Telle est la question et l’enjeu de ce spectacle hors-norme.
Prêts à se mesurer l’un à l’autre tels deux coqs – poyo royo signifiant coq rouge – l’un après l’autre, ils prennent possession de la scène et déploient leurs plus beaux entrechats, avec autant de figures de style. Ils comparent leur capacité à évoluer autant dans les airs que sur le sol. Les gestes sont précis, émouvants et drôles. Sans jamais se parler, ne communiquant qu’à travers leurs corps parfaitement sculptés, les deux artistes nous plongent dans un monde burlesque et onirique qui fascine et envoûte. D’un mouvement, d’un regard, ils se répondent dans un ballet sensuel et charnel mêlant art du cirque, combat de boxe et danse contemporaine.
Plus la pièce avance, plus les gestes deviennent des caresses et des provocations, plus les attitudes deviennent aguicheuses dans une atmosphère brûlante. Les tensions sont exacerbées, presque sexuelles. Pris au piège par cette ronde séductrice, le public se laisse happer par cette belle histoire, ce beau roman qui se déroule sous ses yeux.
Avec ingéniosité et humour, Hermes Galdo flirte avec les lignes, joue des ambiguïtés. Au kitsch du décor et des costumes, il associe une mise en scène ciselée et la virtuosité des interprètes. Sans jamais tomber dans le ringard, ni l’outrancier, il s’amuse des codes du genre, se moquant notamment des concours de testostérone, et emmène avec maestria le spectateur au cœur du désir et de l’underground argentin.

Poyo Rojo : dix ans de succès sur scène

Depuis plus de 10 ans, le succès d’Un Poyo Royo ne se dément pas. Cet ovni théâtral séduit le monde entier, de l’Argentine où il est né, jusqu’en Allemagne où il se joue à guichets fermés. Sa réussite doit beaucoup au thème abordé mais aussi à l’épatant duo d’artistes. Si la distribution a changé, l’un des comédiens s’étant blessé sur scène l’année dernière, la symbiose entre Luciano Rosso, crinière blonde peroxydée et auteur du spectacle, et Alfonso Barón, est toujours aussi stupéfiante. Drôles, virtuoses, ces deux interprètes séduisent par leur simplicité, leur fougue et leur énergie. Acrobates, danseurs, comédiens, ce sont des charmeurs nés qui séduiront à n’en pas douter les spectateurs les plus réticents, les plus sceptiques.
Courrez découvrir cette perle rare, pleine de tendresse et d’humour, ce beau moment de théâtre, qui vous réchauffera en ces temps frisquets… cette leçon d’humanité !

Un Poyo Rojo du Teatro Físico
Théâtre du Rond-Point
2Bis, avenue Franklin Delano Roosevelt
75008 Paris
jusqu’au 8 octobre 2016
du mardi au samedi à 18h30
durée 1h15

avec : Alfonso Barón, Luciano Rosso
chorégraphie de Luciano Rosso, Nicolás Poggi
lumières de Hermes Gaido

( Crédit Illustration Stéphane Trapier )

Lire aussi dans Danse :

Tù : Une danse acrobatique de la re-naissance

Montpellier Danse : Taoufiq Izeddiou spirit

Désir d’horizons : Salia Sanou danse pour les réfugiés

Jean-Paul Montanari : « Être curieux, c’est basculer dans l’univers de la danse »

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à