Racine d’Anne Delbée : une superbe leçon de théâtre

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Par Florence Yérémian – La pièce s’ouvre en musique sous le regard de Racine. Enveloppée dans son ample chemiser blanc à bretelles, Anne Delbée entre en scène. Mi-Chaplin, mi-gavroche, cette immense figure de la Comédie Française n’a besoin d’aucun artifice pour nous transmettre sa passion du verbe.

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Dans un décor minimaliste orné simplement de kakémonos métalliques, elle se met en scène à travers un texte viscéral qu’elle a minutieusement composé comme une élégie à son maître: Jean Racine.

Faisant référence à Andromaque, Bérénice ou Iphigénie, elle convoque pieusement ces héroïnes et les incarne tour à tour avec la puissance verbale et le timbre particulier qui la caractérise. L’espace d’une heure et quart, Anne Delbée devient ainsi l’interprète fidèle mais aussi l’hagiographe de Racine. Evoquant le parcours de cet orphelin sauvé par l’instruction janséniste de Port Royal, l’actrice revient sur son enfance solitaire, son adoration envers Louis XIV et ses amours avec la célèbre Du Parc. C’est cependant la sublime plume du poète qui la captive le plus, cette écriture bénie des Dieux qui a su miraculeusement illuminer la langue française du XVIIe siècle.

« Racine doit être dit simplement, sans émotion aucune … », nous clame la tragédienne ! Etrange point de vue sur un auteur certes classique mais qui a si souvent décrit les transports et les troubles de ses protagonistes. Et pourtant Anne Delbée est catégorique. Elle s’élève d’ailleurs contre le corps professoral qui fait déclamer avec emphase les pauvres écoliers sans comprendre à quel point ces récitations lyriques souillent le phrasé de la langue racinienne. Un texte de Racine ne doit pas se lire comme de la prose : c’est une partition qui se déploie et où chaque note doit sonner juste. Avec patience et conviction, Anne nous explique cette complexe orchestration. Disséquant les vers, les liaisons mais aussi les respirations qu’il faut absolument respecter, elle s’amuse à convier Molière, Corneille ou même Paul Claudel pour appuyer ses dires!

Aussi charismatique que spirituelle, la comédienne se coule dans l’écriture de ces nobles esprits et semble envoutée du début à la fin de son monologue. Grâce à sa ferveur, l’on boit ses phrases, l’on déguste ses tirades et l’on est littéralement transporté sur les planches du Grand Siècle ! Les seuls bémols de cette admirable pièce sont les parenthèses musicales : déclamer Phèdre sur un morceau de blues ou en mode slam n’apporte absolument rien à ce soliloque. Les alexandrins de Racine sont, en effet, suffisement mélodieux pour avoir besoin d’un quelconque accompagnement.
Hormis cette audace malheureuse, le seul en scène d’Anne Delbée est une très belle leçon de théâtre et une époustouflante déclaration d’amour à Jean Racine !
Lycéens, Chartreux, amoureux des planches ou comédiens : ne ratez surtout pas cette grande Dame !

Racine ou la leçon de Phèdre
Anne Delbée

Au Théâtre de la Contrescarpe
5, rue Blainville – Paris 5e
Jeudi, vendredi, samedi à 19h30

Dimanche à 15h
Réservations: 0142018188

Reprise de la pièce d’Anne Delbée jusqu’au 12 novembre 2016

Du mardi au samedi à 21h et le dimanche à 15h

Théâtre de Poche

75, boulevard du Montparnasse – Paris 14e

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