Impressions d’un songe: un puzzle initiatique entre rêve et réalité
Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Le roi Basile est torturé: il y a de cela bien des années, il a écouté les astres et enfermé son propre fils Sigismond dans une horrible tour. Selon la prophétie, l’enfant ne devait jamais accéder au pouvoir car son règne apporterait la mort et la désolation sur toute la Pologne.
Pris de remord, le roi convoque sa nièce Étoile et son neveu Clothalde pour leur annoncer qu’il va donner une chance à son fils de conjurer le sort: le temps d’une journée, il va laisser Sigismond diriger son royaume. S’il s’avère que son descendant est un bon prince, il lui cèdera sa couronne, si cependant son héritier est un monstre, il lui fera croire qu’il a rêvé cette ascension au trône et le relèguera de nouveau aux oubliettes…Sigismond est donc libéré. Comme l’avaient prédit les augures, il transforme son éphémère ascension en une mare de haine et finit par se retrouver dans sa geôle sans vraiment comprendre ce qui s’est passé. Commence alors un long questionnement: a -t-il rêvé ce jour ou était-ce la réalité? S’est-il vraiment comporté comme un despote dès que les brides du pouvoir lui ont été accessibles ? Si une autre occasion de régner lui était offerte, ne vaudrait-il pas mieux en user noblement afin de faire le bien sur cette terre? Tandis que Sigismond s’interroge, une nouvelle chance se présente à lui…
Cette adaptation de La vie est un songe de Pedro Calderón nous renvoie à un réflexion métaphysique sur notre propre existence: que nous rêvions notre vie ou que vivions notre rêve, dans les deux cas, ne faut-il pas nous appliquer à aimer nos semblables et à bien agir? En mettant en scène cette pièce espagnole du XVIIe siècle, Alexandre Zloto a choisi de la transformer en un beau conte philosophique. Orchestrée sur trois tableaux, elle se déroule comme un parcours initiatique où Sigismond et l’ensemble des protagonistes partent en quête de certitudes et de réalité. Au fil des rencontres, des intrigues et des revers de fortune, chacun finira par dépasser la barrière des apparences pour atteindre introspectivement sa propre vérité.
Parmi la multitude de personnages présents au sein de cette cour polonaise totalement fictive domine le Roi Basile (Charles Gonon). Tiraillé entre son amour paternel, sa foi et son devoir monarchique, le vieil homme est affligé d’avoir dû priver son fils de liberté. Autour de ce triste souverain lévitent sa nièce Étoile, plutôt hautaine (Caroline Piette), son conseiller Clothalde, pétri de bons sentiments (Yann Policar) et son neveu, Astolphe, totalement épris de pouvoir (Boutros El Amar). On distingue également la belle et fougueuse Rosaure (Ariane Bégoin) déguisée en soldat pour se venger d’un homme qui l’a outragée ainsi que la figure symbolique de Sigismond (Dan Kostenbaum) qui ne s’explique pas la condition cruelle dans laquelle il a été enfermé. Tour à tour plaintif, tyrannique puis vaniteux, ce clairvoyant captif va progressivement faire preuve d’humilité avant d’atteindre la sagesse qui sauvera son âme damnée. Par delà tous ces nobles gens qui cogitent et se querellent à tout-va, caracole aussi Clairon (Franck Chevallay), le pétulant valet de Rosaure. Semblable à un fanfaron coiffé d’un chapeau melon, il claironne à loisir et apporte beaucoup de candeur aux combats incessants que se livrent les puissants de ce monde. S’adressant en aparté aux spectateurs, il les entraine dans la magie de cette aventure onirique qu’il quitte parfois pour toucher du doigt notre réalité.
C’est avec beaucoup de subtilité qu’Alexandre Zloto s’amuse à nous faire passer du réel à l’imaginaire. Jouant sur le fil du doute et de l’incertitude, il porte son public et sa Compagnie du Tafthéâtre à travers un monde d’illusion où la réalité est sans cesse remise en question. L’intrigue de son puzzle scénique est cependant si complexe que l’on finit hélas par perdre pied. Un meilleur fil directeur et moins de retournements auraient permis à l’assistance de mieux saisir la trame confuse de ce très beau texte du Siècle d’Or espagnol.
Impressions d’un songe
D’après La vie est un rêve de Pedro Calderón
Mise en scène: Alexandre Zloto
Avec les comédiens de la Compagnie du Tafthéâtre: Ariane Bégoin, Franck Chevallay, Boutros El Amari, Charles Gonon, Dan Kostenbaum, Caroline Piette, Yann Policar et Alexandre Zloto.
Théâtre du Soleil – La Cartoucherie
Route du Champ de Manoeuvre – Paris 12e
Jusqu’au 14 juin 2015
Du mardi au samedi à 20h
Le dimanche à 15h
Réservations: 0143742408
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