Zazie dans le métro: une histoire loufoque à la mise en scène culottée

par
Partagez l'article !

Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Avec son franc sourire et son béret enfoncé jusqu’aux yeux, l’audacieuse Sarah Mesguich a des allures de « Titi parisienne ». La pièce qu’elle a choisi de mettre en scène est à son image: un peu bohème, un brin canaille, pétri de belle franchise et pas farouche pour deux sous.

Partagez l'article !

Pour ceux qui apprécient la gouaille fantasque de Raymond Queneau: vous allez vous régaler. Pour ceux qui ne connaissent pas cet écrivain, sachez qu’au delà de sa prose incroyable, il adore les sous-entendus et se délecte des perversions.
L’histoire de Zazie est fort simple: élevée par une mère volage, Zazie est laissée à son tonton l’espace d’un weekend. Il s’avère cependant que cet oncle est une « tante » et que son entourage pullule de satyres et de vieux boucs lubriques. Malgré les tentatives de cette étrange faune pour séduire la gamine, cette dernière ne se démonte pas. Aussi dégourdie que lucide, elle envoie valser tous ces adultes adultérins et s’entête à vouloir découvrir le métro parisien. Hélas pour elle, celui-ci est en grève…
Dans le livre de Queneau, Zazie n’a que neuf ans. Difficile de trouver une actrice qui fasse si jeune et pourtant l’énergique Joëlle Luthi a su parfaitement se couler dans ce rôle de morveuse. Haute comme trois pommes et pétillante comme de l’eau vive, elle confère au personnage de Zazie un air moqueur et juvénile en diable. Il faut dire que la fillette n’a pas la langue dans sa poche: insolente et pleine d’aplomb, elle tient tête à toutes les grandes personnes et enjolive la moitié de ses phrases d’une avalanche de « Merde! » et de « Mon cul! ». Aux côtés de cette petite effrontée, son oncle Gabriel fait figure d’Ange : taillé comme une armoire berrichonne, Jacques Courtès réussit à incarner aussi bien le mâle que la tantouze. Affublé d’un costume jaune ou de bas résille, il nous offre de beaux soliloques ainsi qu’un numéro de travesti digne de chez Michou.
Autour de ce sympathique « Hormossessuel » et de sa farceuse de nièce déambule toute une galerie d’obscènes personnages: il y a d’abord Turrandot (Frédéric Souterelle) le grossier buvetier qui sue de désir après les petites filles; Charles (Tristan Willmott), un grand galapia à l’homosexualité aussi altérée que son vieux taxi; et enfin, Trouscaillon (Alexandre Levasseur), un sale type orné de ridicules bacchantes qui n’hésite pas à parader à moitié à poil sous son imper crasseux.
Comme ardente défenseuse du sexe faible, Amélie Saimpont rafle la mise en s’enfilant pas moins de quatre rôles simultanés: qu’il s’agisse de la veuve Mouaque, de Marceline ou de Mado Ptits-pieds, sa prestation scénique déborde de folie et de volupté. Avec sa poitrine généreuse et ses crises d’hystérie, cette rombière en rut n’arrête pas de trémousser son fessard et se fait même culbuter haut la jambe derrière le comptoir!
Entre les « papouilles zozées », les virées en haut de la Tour Eiffel et les bruyants commérages de bistros, la Compagnie du Théâtre Mordoré nous livre ici un bel hymne à Paname et à la populace des années 50. Dans cette atmosphère très parisienne, on apprécie la gouaille de Zazie et la loufoquerie de ses drôles de compères. Par delà l’écriture caustique de Raymond Queneau, on ressent cependant un certain malaise: certes, sa verve est ludique et délurée mais lorsque l’on en fait une lecture cantonnée au second degré – comme c’est ici le cas – il en ressort une histoire aussi salace qu’ambiguë. Après tout, Zazie dans le métro est loin d’être une fable: on y parle de viol, de meurtre à la hache et d’inceste… Fort heureusement la gamine s’en tire à bon compte, mais quand on y réfléchit de plus près cette aventure initiatique est aussi malsaine qu’une toile de Balthus!

Zazie, une histoire de Métro? Mon cul ! Une histoire de pédo, oui!

Zazie dans le métro
D’après Raymond Queneau
Adaptation et mise en scène Sarah Mesguich
Avec : Joëlle Luthi, en alternance avec Léopoldine Serre, Jacques Courtès, Charlotte Popon, en alternance avec Amélie Saimpont, Tristan Wilmott, en alternance avec Alexis Consolato, Alexandre Levasseur, Frédéric Souterelle

Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs – Paris 6e
T. 0145445734

Du 28 janvier au 12 avril 2015
Du mardi au samedi à 20h
Dimanche à 17h

Spectacle à partir de 12 ans
Rencontre avec les artistes le vendredi 27 février à l’issue de la représentation.
Durée : 1h30

A voir aussi ( ou pas…):

Les souris de Steinbeck peuvent dormir sur leurs deux oreilles, les hommes de théâtre veillent au grain

Le Mariage de Figaro : Beaumarchais, ardent défenseur de ces dames?

Sans Valentin : une comédie romantique qui porte un regard décomplexé sur l’homosexualité

Le Théâtre La Cible est décidément le lieu de rendez-vous des jeunes talents de l’humour !

Yolanda, le premier jour : Olivier Pochon et la quête de soi

Blind Date: une pièce labyrinthique en hommage à Borges

Le Roi Lear : enfin une pièce de Shakespeare à voir en V.O

Michael Lonsdale offre une oraison poétique à Charles Péguy

Livrez-vous à la folie de Caligula: cette pièce va vous déchirer l’esprit autant que l’âme

Un air de famille : Quand Laurent Tardieu s’en mêle

La traversée de la nuit: une leçon d’espérance par Mlle de Gaulle

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à