Cirque Électrique : « Steam » ou le pays des songes obscurs

par
Partagez l'article !

Par Elodie Cabrera –bscnews.fr/ On entre dans la pénombre du chapiteau, sous le regard inquisiteur d’étranges personnages. Quelque chose se trame. Une musique underground s’échappe des baffles, une voix grave raconte la descente aux enfers d’un cirque laissé à l’abandon et une sublime créature s’élance dans le vide telle la prophétie du néant. Distorsions sonores et contorsions sensuelles, « Steam », la dernière création du Cirque Électrique, est une envolée au pays des songes obscurs. Brillant, hypnotisant et hallucinogène.

Partagez l'article !

L’histoire se déroule dans une époque incertaine, tendance post-industrielle et rétro-futuriste. Au fond de la salle, d’immenses ventilateurs soufflent des nuages de brouillard et patinent l’atmosphère d’une moiteur contagieuse. L’érotisme est partout : dans la gestuelle des circassiens, dans leurs costumes résille qui subliment leur corps en tension, dans le déhanché de Lala Morte. Avec sa coiffure de Marie-Antoinette, ses ballerines rose fuschia et ses mimiques de poupée mécanique, elle ondule telle une nymphe diaphane criblée de tatouages. La compagnie aime le mélange des genres et n’hésite pas à affubler les hommes de collants moulants et de pointes de danseuse classique ou à faire du cerceau, discipline si girly, un truc de mec. L’esthétique du spectacle reflète à la perfection l’univers de « Hey ! », la revue artistique des mordus du tattoo et de l’art transgressif avec laquelle le Cirque Électrique entretient des liens étroits d’amitiés.

Beat sourd et grinçant

Tour à tour sur la piste se succèdent des numéros de trapèze, mât chinois, jonglage, danse macabre et rock’n roll exécutés avec brio et servis par une mise en scène impeccable. On retiendra notamment l’utilisation astucieuse d’un cube métallique qui sert tantôt de décor, tantôt de support aux acrobaties, et qui, lorsqu’il est en lévitation, donne lieu à un très beau jeu de lumière. Au cours de cette traversée urbaine et apocalyptique, on croise l’émotion, la sensualité, la peur, le risque… Et le rire au détour d’un numéro de jonglage avec des balles musicales que s’amusent à chaparder quelques trublions acrobates. Autre saynète comique : Tapeman, chanteur déjanté qui se transforme en batterie humaine.

Durant une heure, on est immergé dans univers musical punk-underground électrifiant. Son de gare, bruit d’usine, beat sourd et grinçant, Steam forge son identité à travers des morceaux bruts entièrement conçus pour le spectacle et inspirés par les sonnettes de l’écrivain Alain Bosquet. À travers cette nouvelle création, la compagnie démontre une nouvelle fois son talent et sa personnalité insulaire. Preuve que le cirque contemporain a su dépoussiérer le genre, évincer les paillettes au profit d’un art corrosif et mortifère. Jean Genet avait vu juste. Le cirque est une mise à mort érotique.

LE CIRQUE ELECTRIQUE
Place du Maquis du Vercors
75020 PARIS
Du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 17h (durée 1h10)
INFO/RÉSERVATION : 09 54 54 47 24 ou reservation@cirque-electrique.com

A lire aussi:

Le vide ou le mythe de Sisyphe ingénieusement revisité

Tout le monde d’Hélène Ventoura

Off : du cirque qui réunit le corps et l’esprit

Le Cirque Plume, entre poésie et suspension

FoRest: une exploration poétique et sylvestre dans l’art du jonglage

Travelling Circus : la Cie Hors-Pistes et ses tapis roulants

Vortex : une métamorphose plastique superbe

Le Collectif Ivan Mosjoukine et son CIRCUS MAXIMUS

Azimut : une maïeutique circassienne aussi délicate que spectaculaire

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à