Christine Farré ressuscite Camille Claudel en taille directe

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Par Florence G.Yérémian – bscnews.fr/ Ceux qui associent encore la figure de Camille Claudel au doux visage d’Isabelle Adjani doivent faire table rase de leurs souvenirs cinématographiques. En effet, la mise en scène proposée et interprétée par Christine Farré nous offre une introspection beaucoup plus violente de cette fabuleuse sculptrice.

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Son spectacle se construit dans un décor sombre et sommaire aux murs maladroitement recouverts d’esquisses et de croquis. Au sein de ce supposé atelier parisien, Camille déambule entre ses oeuvres éparses et sa terre glaise encore humide. En arrière plan, deux hommes se profilent: l’un est critique d’art et se nomme Octave Mirbeau, l’autre est le fondeur de Camille et il a pour nom Eugène Blot. Tous deux sont de grands amis et admirateurs de Mademoiselle Claudel mais, à l’exemple de beaucoup d’autres personnes de ce temps, ils n’ont rien pu faire contre la déchéance progressive de cette artiste exceptionnelle. Déclamant à tour de rôle des extraits de lettres écrites par Asselin, Paul Claudel ou le Directeur des Beaux Arts, les trois comédiens nous entrainent épistolairement dans les tristes pas de Camille. De 1854 à sa mort en 1943, ils retracent les grands moments de sa longue existence depuis sa liaison passionnelle avec le grand Rodin jusqu’à son atroce internement à l’asile de Montfavet.
En optant volontairement pour une scénographie chronologique, la composition de Christine Farré nous donne l’impression d’une biographie d’artiste théâtralisée: des dates sont lancées du début à la fin de la pièce en y associant chaotiquement des noms d’oeuvres sculptées et des évènements marquant la vie de Camille. Cette approche encyclopédique combinée à la lecture systématique des correspondances de l’artiste sclérosent malheureusement le spectacle: on se perd dans l’excès de citations et nos esprits ne parviennent pas à visualiser les multiples sculptures évoquées dans ce puzzle virtuel.
Les acteurs font pourtant de leur mieux mais leur adaptation théâtrale sonne faux. Jean-Marc Bordja porte avec une belle élégance le rôle d’Eugène Blot. La barbiche soignée, l’oeil bienveillant, il ne garde cependant pas la voix assez haute pour nous faire cheminer dans les réflexions et les inquiétudes de son personnage. De son côté, Nicolas Pignon manque de conviction pour incarner le critique Octave Mirbeau. Derrière sa veste de velours et ses boucles grises, il est trop effacé pour que l’on puisse adhérer à son discours d’esthète adorateur. La seule artiste de cette mise en scène est à n’en pas douter Christine Farré. Véritable furie frénétique, elle semble être tout droit sortie des limbes pour se jeter à corps perdu dans le personnage de Camille Claudel. Voulant à tout prix nous transmettre le déchirement et la folie de cette artiste qu’elle adule, Christine Farré entre en transe, vocifère, s’englue le visage d’argile et finit par se couvrir le corps de bandelettes pour se métamorphoser en une parque silencieuse accablée de vieillesse. De toute évidence, on peut dire que cette comédienne est habitée! On regrette cependant qu’elle en fasse vraiment trop et se cantonne au registre dramatique: ses râles excessifs et son désespoir permanent en deviennent exaspérants. Où est passée la Camille amoureuse? L’étudiante passionnée? Où se cache la tailleuse de pierre? Celle qui jubile autant qu’elle se consume avec son art? Nulle trace de tout cela…Christine Farré ne semble s’attacher qu’aux fêlures de cette femme artiste et se contente d’explorer le côté torturé de Claudel au point que l’on aspire à des moments de calme dans sa prestation scénique. Les rares fois où sa protagoniste chuchote et soupire apportent incontestablement de la grâce à cette partition bien trop colérique. Camille Claudel avait certainement une part de virilité et de génie irascible mais elle n’en était pas moins femme et créatrice…
Camille Claudel? Une pièce au modelé trop pathétique!

Camille Claudel 1864 – 1943
Adaptation et Mise en scène: Christine Farré
Avec Christine Farré, Jean-Marc Bordja et Nicolas Pignon

A la folie Théâtre
6, rue de la Folie Méricourt – Paris 11e
Métro Saint Ambroise

Jusqu’au 29 novembre 2014
Les vendredis et samedis à 19h30

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