Genesis : une chorégraphie métaphysique transculturelle superbe

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Sur le plateau, à l’ouverture, tournoient dans des cubes en verre du personnel médical, avec blouse et masque de rigueur. La mort plane, la maladie guette, un cadavre dans une housse est ainsi installé sur une table d’opération et des lumières spectrales donnent aux visages et à la scène une coloration presque irréaliste. La suite confirme cette impression puisque les corps sans vie se réaniment grâce à des phénomènes paranormaux et que la suite oscille entre réalité et fantastique. La pièce juxtapose ainsi des scènes tout aussi étranges que quotidiennes et crée une sorte de « poésie corporelle » à partir de gestes simples : deux hommes qui s’affrontent, les cheveux d’une femme qui s’agitent, un moustique que l’on éloigne d’un revers de la main sont autant de mouvements de départ qui se prolongent en une véritable chorégraphie.

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Si les mouvements orientaux et occidentaux sont tant entremêlés qu’on ne peut les dissocier, l’énergie, le souffle et la maîtrise corporelle asiatiques dominent la gestuelle. Le contemporain et le traditionnel s’embrassent pour offrir un ballet aussi singulier que sublime. Yabin Wang est une danseuse prodigieuse qui semble pouvoir déployer ses membres à l’infini ( elle joue d’ailleurs dans le spectacle sur l’image d’une femme-monstre dont les bras s’allongent à l’envi), a une souplesse proche du contorsionnisme et dégage une émotion troublante d’un simple regard. Le spectateur ne peut qu’être terrassé par sa présence charismatique et son intrinsèque profondeur dramatique.
Les mains sont un élément obsédant avec lequel on joue et elles tissent une toile sémantique puissante : elles jonglent, exécutent des motifs toujours différents, s’entremêlent, manipulent l’autre, éclosent et se referment comme une fleur…et l’on est presque tenté de croire qu’elles ont une vie propre et finiront par s’envoler.

Chaque tableau annonce le suivant, les liaisons glissent avec élégance et raffinement et si l’on pourrait louer des heures le travail chorégraphique de Sidi Larbi Cherkaoui, il ne faut point oublier de saluer également les costumes de Li Quing – et notamment les tenues des deux interprètes féminines; le travail de lumières de Willy Cessa, qui contribue à accentuer la densité dramatique de ce ballet qui s’interroge sur l’essence même de l’humanité en jouant sur la clarté et l’obscurité, mais surtout la composition musicale de cette pièce. Écrite par Olga Wojciechowska, la musique mêle avec talent sonorités électroniques et morceaux interprétés en live. Le monde entier laisse entendre ses sonorités et ses rythmes ( chansons japonaises, tibétaines, congolaises..) au travers de musiciens et d’instruments de tous horizons. Cette composition musicale transculturelle génère une intense émotion qui ne faiblit pas et achève de faire de Genesis une création brillante que l’on vous recommande vivement!

Genesis
De Sidi Larbi Cherkaoui & Yabin Wang
Avec Yabin Wang, Qing Wang, Fang Yin, Chao Li, Elias Lazaridis, Johnny Lloyd, Kazutomi Tsuki Kozuki
Composition musicale: Olga Wojciechowska
Scénographie: Kedong Liu
Lumiere: Willy Cessa
Costumes: Quing Li

Les dates:

– Les 27 et 28 juin 2014 au Festival Montpellier Danse / Montpellier (FR)

– Les 5,6,7 juillet 2014 au Julidans Festival / Amsterdam (NL)

– Les 1,2,3,5,5 décembre 2014 au Parc de la Villette / Paris (FR)

– Le 9 décembre 2014 au Concertgebouw Brugge / Bruges (BE)

– Les 13, 14 décembre 2014 au Monaco Dance Forum / Monaco (MC)

– Les 8,9 mai 2015 au Festspielhaus Sankt-Pölten / Sankt-Pölten (AT)

– Les 20,21 mai 2015 à l’Opéra de Dijon / Dijon (FR)

– Les 4 et 5 juin 2015 à Les Theatres de la Ville de Luxembourg / Luxembourg (LU)

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