Mémoires d’Hadrien : l’ultime épilogue d’un empereur humaniste

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Jean Pétrement affectionne les grandes figures historiques. Ses précédentes créations mettaient admirablement en scène Proudhon et Bella Bartók ; pour l’année 2014, il a choisi de se confronter à l’Empereur Hadrien. S’inspirant librement du roman biographique de Marguerite Yourcenar (Les Mémoires d’Hadrien), il transpose le monologue de ce souverain en fin de vie en un audacieux quatuor théâtral.

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La pièce se situe le jour de la mort d’Hadrien. Dans cette période crépusculaire, l’Empereur philosophe dresse un inventaire lucide de ses vingt années de règne. Dictant son testament spirituel à un jeune secrétaire nommé Antonin, il évoque tour à tour son ascension au trône, ses stratégies de gouvernance et insiste sur la complexité du pouvoir et de ses arcanes.
À ses côtés, déambule prestement Elixa, une ardente esclave grecque qu’il couve affectueusement de son aile paternelle. Dévouée et attentionnée, la belle captive prend soin de son auguste maitre tout en attisant le regard et les pulsions amoureuses du pauvre Antonin. Dotée d’une révérence impertinente, elle ne cesse de contrarier les raisonnements de son Empereur en dépréciant la vanité des hommes et en lui criant sa soif de bonheur et de liberté. Amusé par la révolte juvénile de sa protégée, le vieil Hadrien lui confie avec bienveillance ses idéaux de justice et de République. Laissant s’exprimer l’homme au détriment de l’Imperator, il lui expose aussi ses doutes, ses exigences morales et se remémore amèrement son amour d’antan pour le bel Antinoüs, cet amant sublime noyé à l’âge de vingt ans…
L’adaptation de Jean Pétrement est d’une grande profondeur et d’une sobriété qui se marie habilement à l’âge déclinant d’un homme et d’une civilisation. A travers son corps usé et sa respiration lourde, François Chodat incarne avec véracité un empereur vieillissant confronté à ses doutes. Son interprétation demeure néanmoins un peu trop austère lorsqu’il évoque les exploits d’Hadrien et particulièrement son amour infini pour Antinoüs : sa voix grave et monocorde manque d’émotion et d’exaltation pour conserver l’attention des spectateurs face à la densité du texte de Marguerite Yourcenar. Fort heureusement la séduisante Elisa Oriol (Elixa) dynamise la pièce de sa fougue habituelle. Arpentant la scène nu-pieds et cheveux lâchés, elle nous fait songer à une vierge insolente réclamant sans cesse son droit à la liberté. Face à cette impétueuse créature, le jeune Issame Chayle (Antonin) ne possède pas assez d’envergure. Trop hésitant devant sa belle, il s’attache désespérément à son calame et à sa tablette : cette timidité le nuit car elle ne correspond pas à l’ambition sénatoriale de son personnage. Saluons enfin le jeu de Maria Vendola : apparaissant en fin de pièce, la fantomatique comédienne ressuscite avec justesse l’âme morte de l’impératrice Plotine.
Cette nouvelle création de la compagnie Bacchus est une intéressante réflexion sur l’homme et le pouvoir. A travers sa thématique et ses dialogues, elle rend écho à la devise qu’Hadrien faisait frapper sur ses monnaies: Humanitas – Felicitas – Libertas (Humanité – Bonheur – Liberté). Les partisans de l’Empire Romain se délecteront de ce texte, les adeptes de Yourcenar apprécieront son adaptation, quant aux autres spectateurs, ils y trouveront une leçon d’histoire d’une résonance très contemporaine.

Mémoires d’Hadrien
D’après Marguerite Yourcenar
Inspiré par Fernando Pessoa
Adaptation et mise en scène: Jean Pétrement Avec François Chodat, Elisa Oriol, Issame Chayle, Maria Vendola

Dates des représentations:

– Théâtre Essaïon ( 6, rue Pierre au Lard – Paris 4ème ) jusqu’au 8 avril 2014

Pour l’ensemble des prochaines représentations, le rôle d’Hadrien sera tenu par Jean Pétrement lui-même.

– À Avignon off du 5 au 27 juillet 2014 au Théâtre du Roi René à 15h05

-Au Théâtre à Verneuil sur Avre /Samedi 9 mai 2015 à 20h30
– Au Centre culturel Festival théâtral de LA COYE ( COYE LA FORET )/ Mardi 19 mai 2015 à 14h et 20h30
-Au FESTIVAL AVIGNON OFF THEATRE DU ROI RENE à 15H30/ Du 4 au 26 juillet 2015
-Au Festival ARC LES GRAY/ Vendredi 18 septembre 2015 à 20h30

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