Les extravagances aristocratiques d’une Comtesse de Province : une caricature savoureuse signée… Molière !

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Par Florence Gopikian Yeremian – bscnews.fr/ La Comtesse d’Escarbagnas est l’une des dernières pièces de Molière. Peu connue du public contemporain, cette comédie-ballet ne manque pourtant ni d’attrait, ni d’intérêt. La trame en est fort simple: après avoir gouté durant deux mois aux fastes de Versailles, une comtesse provinciale s’entête à vouloir faire vivre ses gens dans l’esprit de la cour du Roi Soleil. Entourée de valets et de soupirants aussi gauches qu’incompétents, elle transforme peu à peu sa demeure en un cirque burlesque où deux jeunes amants tentent de se retrouver à l’insu de leurs parents…

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C’est avec panache et humour que la jeune Compagnie des Oracles Imparfaits s’approprie cette grande farce de Maître Poquelin. A travers les attitudes feintes et les agissements ridicules d’une Comtesse excentrique, on voit ainsi transparaître un pendant féminin au célèbre et pourtant pitoyable Monsieur Jourdain. Avec un malin plaisir et une fausse candeur, l’actrice Elodie Merciadri endosse le rôle de cette veuve joyeuse hébétée par l’air de la cour. Passant de l’imper parisien au kimono japonais, elle s’orientalise et s’amuse à jouer les extravagantes en quête de bonnes manières : sourires hypocrites, courbettes à foison, politesses à n’en plus finir, l’insensée est prête à tout pour respecter l’étiquette versaillaise et la coller avec outrance à toute sa maisonnée !
Autour d’elle, les prétendants et petits notables en sont ainsi réduits à singer les mimiques de la haute noblesse pour séduire leur Dame. Parmi ces drôles de galants figurent un maître avocat des plus jaloux ainsi qu’un certain Monsieur Tibaudier, littérateur de campagne aux sonnets forts douteux. On discerne également un pseudo-vicomte nommé Cléante. Doté d’esprit et d’élégance, il ne cesse de flatter la Comtesse bien qu’il vise en réalité une toute autre proie…
Cette satire de la gaucherie provinciale et de la préciosité ridicule, est portée avec vitalité par sept comédiens. Déambulant avec entrain, ils nous offrent une galerie haute en couleurs de personnages propres à la Commedia dell’arte : naïfs, jaloux, vaniteux, candides… tous les profils sont représentés et c’est avec un plaisir communicatif qu’ils les interprètent. Leurs répliques sont fines, allègres et la scène de mime japonais exécutée par le laquais et la suivante est à pleurer de rire !
Ces jeunes acteurs manquent cependant d’audace dans leur approche théâtrale : pour conquérir complètement l’assistance, ils devraient d’avantage pousser le coté burlesque et ne pas y aller par petites touches. Molière se prête fort bien à l’exagération, pourquoi s’en priver ? La Comtesse est trop souple, trop conciliante : il faut la rendre hautaine, tranchante afin d’accentuer sa sottise ridicule. Il en va de même pour les galants : courbettes, rimes loufoques, colifichets…tout excès de leur part sera le bienvenu ! Le public ne demande qu’à rire alors s’il vous plaît, lâchez l’approche classique de cette pièce et partez en vrille dans du pur comique !
La Comtesse d’Escarbagnas ? Une farce légère mais un peu courte – une heure dix – qui parvient néanmoins à se terminer avec trois mariages, des chansons et un étrange motet japonisant.

La comtesse d’Escarbagnas
Une comédie-ballet burlesque d’après Molière
Mise en scène de Niccolo Rigutto
Avec Lucille Bobet, Maxime Feton, Alexandre Filippini, Elodie Merciadri, Cyriel Mercier, Alexandre Varnière et Martin Verschaeve

Au Funambule Montmartre
53, rue des Saules – Paris 18e
M° Lamarck – Caulaincourt
Du mercredi au samedi à 20h
Réservation: 0142238883

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