Une très belle interprétation de l’Etranger de Camus : pour tous les lycéens et les autres !

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ La salle est sombre, presque noire et pourtant une impression de forte chaleur engourdit nos sens. Nous nous trouvons à Marengo, dans un petit village de la région d’Alger. L’homme qui déambule devant nous se nomme Meursault. Le cheveu mi-long, il sue dans sa chemise blanche et froissée qu’il a légèrement entrouverte. A la demande du directeur, il est venu constater le décès de sa mère morte à l’hospice. Au grand étonnement du gardien et de l’assistance, Meursault ne laisse percevoir aucun chagrin, pas une larme. Regards accusateurs. Silence. Le récit cède sa place à la confession…

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C’est un jour dans les dunes que tout a vacillé. Avec son ami Raymond, Meursault a croisé des arabes qui leur ont cherché querelle. Provocations. Coups de poignard. Un révolver s’est retrouvé entre les mains de Meursault qui a tiré cinq fois. Un coup et il y a eu mort d’homme. Puis quatre coups supplémentaires sur le cadavre, on ne sait pas trop pourquoi…
L’assassin est emmené devant le juge. Engoncé dans son gilet, ce dernier ne semble pas s’intéresser à l’acte criminel. Dans son accusation, la scène du meurtre passe étrangement au second degré et cède sa place à un tout autre interrogatoire : « Croyez-vous en Dieu, Monsieur Meursault ? Aimiez-vous votre mère ??? ». En chrétien convaincu, le juge tente d’emmener sa victime au repentir mais rien n’y fait. Meursault se retrouve en cellule où sa pensée d’homme libre évolue peu à peu en pensée de prisonnier : les souvenirs se mélangent, les femmes lui manquent mais pas une once de remord n’apparaît chez cet homme. Vient alors le jour du procès où le procureur lui-même l’accuse au-delà du meurtre de ne pas avoir pleuré la mort de sa mère. Quel homme faut-il être pour en arriver là ?
Meursault tente un plaidoyer mais il se rend compte que sa façon de vivre ne le gène pas : l’authenticité de ses sentiments, sa solitude et son apparente absence d’émotion lui conviennent parfaitement ; ce sont les autres qui se mentent entre eux et font semblant de vivre. Ce sont les autres qui le déshumanisent et l’accusent d’être un homme non-conforme à la morale bien pensante. Condamné à la guillotine, cet « étranger » au monde prend alors conscience de l’absurdité de l’existence et accepte de mourir pour la vérité.
L’interprétation de Joseph Morena est celle d’un passionné. Religieusement fidèle au texte de Camus, il en décuple la dimension philosophique et apporte un visage à la fois sensuel et taciturne au personnage de Meursault. Paradoxalement indolent puis révolté, il se love dans l’atmosphère lourde et cuisante du roman fort bien mis en scène par Sissia Buggy. En optant pour des acteurs exaltés et un décor minimaliste, cette brillante réalisatrice parvient à nous rapprocher de l’écriture camusienne. La proximité des comédiens qui se trouvent à un mètre du public nous fait toucher Meursault du doigt et nous donne l’impression d’être des jurés plus que des spectateurs. Servie par une musique lancinante et des éclairages évocateurs, cette adaptation est une très belle performance malgré le parti pris de ne faire évoluer que des hommes dans un texte où l’amour et la sensualité ont pourtant leur place.
Sachant que Camus est une figure incontournable du programme du bac de Français, on ne peut que recommander aux lycéens d’aller voir cette pièce et aux autres de venir découvrir la foule de créations théâtrales de l’Espace Marais.

L’ETRANGER d’Albert Camus
Mise en scène Sissia Buggy
Adaptation Joseph Morana
Avec : Joseph Morana, Philippe Houillez, François Rimbau, Serge Luccini
Durée : 1h15

Théâtre Espace Marais
22, rue Beautreillis – Paris 4e

Tous les vendredis à 19h15
Jusqu’au 3 janvier 2014
T. 0148049155
http://www.theatreespacemarais.com

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