Virus: la compagnie Dairakudakan transfigure les hommes-monstres qu’engendre l’humanité

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Crédit photo : Nobuyoshi Araki/ Virus a tout d’une légende païenne extravagante où deux dieux farfelus et sans moeurs malmènent les hommes en jouant d’eux. Sur le plateau s’étend une gigantesque « toile d’araignée » dans laquelle sont tenus prisonniers des êtres aux combinaisons blanches piquées de boules colorées et où errent des femmes qui semblent avoir perdu toute raison.

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L’une des bizarreries de cette création est le mélange entre une atmosphère primitive – l’impression d’être à la genèse d’un monde – et des éléments ultra-contemporains, voire futuristes : les costumes et la musique sont au coeur de ce paradoxe : la musique de Virus, par exemple, est l’oeuvre combinée du travail de Keisuke Doi, un grand interprète de flûte shakuhachi et de Jeffs Mills, spécialiste de techno minimale. Akaji Maro, concepteur et chorégraphe de ce Virus , explique que « le virus est désormais une métaphore de l’humain » et qu’aux tournants de l’Histoire, des monstres font leur apparition qui ne sont rien d’autre que des humains…Il nous présenterait donc le masque effrayant d’une humanité décadente dominée par des tyrans lubriques, arbitraires et excentriques; le message sur scène n’est pas toujours lisible, on doit l’avouer . Certains tableaux laissent même dubitatifs sur leur raison d’être et leur sens et la pièce dans son ensemble mériterait quelques coupures car c’est un peu long. Cependant l’univers d’Akaji Maro est tellement singulier qu’il mérite vraiment le détour…même si l’on est dérouté dès l’ouverture devant quatre danseurs étranges qui s’amusent avec des fleurs, une cuvette ou encore un crocodile en plastique! Par contre, les chorégraphies – durant lesquelles se meut la meute de danseuses, métamorphosées en ménades et à la pâleur de zombies – sont époustouflantes. On y apprécie les techniques de danse mises en oeuvre par le chorégraphe pour exprimer toute l’hystérie de ces êtres possédés : saisis de spasmes incontrôlables, ils s’agitent en sursauts, gesticulent à force de bras et de jambes mais en s’intégrant toujours dans une harmonie globale. Toute l’admiration pour le travail d’Akaji Maro tient d’ailleurs dans cette rigueur du geste, cette précision corporelle qui s’accompagne de visages terriblement expressifs. On y ajoutera des applaudissements pour la scénographie magnifique imaginée par Yasuhiko Abeta qui se marie habilement aux chorégraphies : la toile d’araignée en cordes et les suspensions métalliques qui servent d’agrés sous diverses formes contribuent notamment à ce feu d’artifice visuel dont nous délectent certains tableaux. La présence sur scène d’Akaji Maro, véritable gourou charismatique, ajoute encore à l’intérêt de ce moment de danse rare. Mystérieux, déstabilisant, envoûtant, ce Virus ne laisse pas indifférent et séduit par son attirante singularité et l’impression vivace de voir, ça et là , les touches des doigts d’un génie de la danse….

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Dates de représentation:

Le 29 juin 2013 au Festival Montpellier Danse ( 1ère fois en France)

Le site de la compagnie Dairakudakan

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