Spectacle / Richard Hervé » Collections »
Aujourd’hui, tout le monde se veut impertinent, mais presque plus personne n’est pertinent. Ce n’est pas le cas de Richard Hervé, ni de son spectacle, Collections.
D’ailleurs, difficile de classer cette performance dans le noir ou le blanc de quelque catégorie préétablie. Si Richard Hervé incarne un seul personnage pendant plus d’une heure, ce n’est ni un one man show, ni du stand up, ni un seul en scène. Cet OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) est en réalité une pièce à un personnage qui, par la malice de sa conception et de son écriture, en suggère toute une galerie tous plus hauts en couleurs les uns que les autres.
Celui joué par Richard Hervé travaille dans la mode. Il tient une boutique de luxe dans la très prestigieuse avenue Montaigne – sinon, où aller ? De prime abord tête à claque, snob, séducteur, coureur, menteur, obsédé sexuel, un poil raciste et misogyne sur les bords, il est avant tout tendance et ne semble avoir que mépris pour ce qui n’est pas lui. Légèrement atteint du syndrome de Peter Pan, il refuse de choisir. Hommes, femmes, un homme une femme, deux femmes un homme, Xanax ou cocaïne, il veut tout, il les veut toutes et tous.
Mais, au fil des scènes, de ses errances sexuelles et de ses tribulations sentimentales, sa trajectoire révèle des failles intimes profondes qui le rendent diablement attachant. Des zones d’ombres qui illuminent en un subtil dégradé de gris ces facettes apparemment noires et détestables, comme on passe des traits grossiers d’une caricature à un délicat portrait au fusain.
De cette manière, il peut tout se permettre. Il dit des horreurs et pourtant on rit, on en redemande. Car son personnage n’est pas méchant pour le seul plaisir d’être méchant, ni odieux pour être bêtement odieux, mais parce qu’il souffre et que c’est là sa manière de se protéger de sa propre hypersensibilité. Et tout le monde en prend pour son grade, lui le premier.
C’est là toute la force du spectacle de Richard Hervé et l’intelligence de son écriture, souligné avec une nuance de clair-obscur par la mise en scène de Xavier Gallais : on ne rit pas de, mais on rit avec.
Richard Hervé tape fort, mais toujours avec une bienveillance souriante. Il griffe, mais ne massacre pas. Il égratigne, mais ne blesse pas. Du coup, il touche juste. Et nous touche.
HAROLD COBERT
« Collections », de et avec Richard Hervé, mise en scène Xavier Gallais, Théâtre des Mathurins (36, rue des Mathurins, Paris 8e), Petite Salle, à 19 h du lundi au samedi et à 17 h le dimanche, relâche le lundi.
Locations et Réservations : 01 42 65 90 00