Bohringer le jeune

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C’est du Bohringer. Jeune. Du Bohringer 65. Ça sonne comme un grand cru, mais il s’agit de « deux pièces de jeunesse. Deux petits bouts lambeaux de théâtre. Peut-être ». Peut-être ? Du Bohringer, jeune, c’est déjà du Bohringer. Goûteux, flamboyant, exacerbé, écorché, vivant. Désespéré, mais vivant.
« Zorglub » et « Les Girafes », les deux pièces ici réunies, ont été écrites à New York par un Bohringer « affamé d’amour, assoiffé de femme, affamé tout court ». Elles portent en elles tous les rêves, les fantasmes, les obsessions et les blessures de l’homme en devenir. Ces « lambeaux » sentent déjà le voyage et l’Afrique et la solitude et l’amitié et les femmes et l’attente et la marge… Et la marge.
« Zorglub » raconte l’histoire de Simon, installé dans un square depuis vingt ans. Il attend. Une femme. Ce soir-là, c’est un homme qui vient le déranger. Un jeune homme, Stéphane, bouquet de fleurs à la main. Qui attend. Une femme. « Figure-toi que, lorsque j’avais vingt ans, j’étais amoureux comme toi. Ma Douce me donne rendez-vous, j’arrive tout fringant, tout heureux, avec une heure d’avance. Eh ben… j’attends toujours… » raconte Simon.
Belle réflexion sur la solitude et sur l’amour, « Zorglub » est une pépite pleine de colère et de tendresse. Pleine de Bohringer, jusque dans la bouche de Stéphane : « Mais qu’est-ce que vous croyez ? Que vous êtes le seul ? Le seul à être… seul ? D’autres se consolent en achetant une BM, ou encore en faisant du camping ou du scoutisme. Moi aussi, monsieur Simon, j’ai mes squares. Vous savez ce qu’ils sont, les miens ? Les vitrines des grands magasins, la nuit, les yeux crevés des mannequins, les promenades dans une ville silencieuse. Et puis, le premier homme, les yeux gonflés de sommeil, qui ne sait même pas pourquoi on l’a jeté à bas du lit. Même lui, monsieur Simon, il rêvait. Même lui. »
« Les Girafes », histoire de mecs, fraternels et alcoolisés, est une pièce plus… comment dire… « déjantée ». Reste que, dans l’une comme dans l’autre, Richard Bohringer est là, bien présent. Fragile et indéboulonnable, décidé à inscrire les traces de sa « survivance » : « Je savais déjà la longue route balafrée ».


Olivier Quelier

copyright photo: DR

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