Alonzo King : la danse, à mi-chemin entre la poésie et la philosophie
Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Alonzo King est un grand maître de la danse américaine.
Voilà plus de trente ans qu’existe sa compagnie LINES ballet. Cet afro-américain a été danseur notamment au sein de l’American Ballet Theater et a installé sa troupe en 1982 à San Francisco. Il mêle le classique aux musiques actuelles voire même aux nouvelles technologies. Ses danseurs ont une formation académique de qualité et on le connaît notamment pour son travail sur le mouvement très rigoureux. Il vient à Montpellier dans le cadre du Festival de Montpellier Danse présenter trois pièces nommées: Concerto for two violins, Quintett et Resin. La première utilise la musique originale du célèbre Concerto Barocco de Bach. Une pièce conçue d’une succession d’ensembles et de soli qui illustrent l’aspect classique du travail d’Alonzo King. Quintett est un extrait de la pièce » Writing Ground » dans laquelle est développée le concept des anciens à savoir que « l’art doit être au centre de tout ». En collaboration avec l’écrivain Colum McCann, le chorégraphe a essayé d’écrire un » langage du mouvement ». Enfin Resin a été imaginée sur des musiques issues de la tradition séfarade et se veut une chorégraphie très ouverte dur le monde. Voici quelques pensées de ce chorégraphe, à mi-chemin entre la poésie et la philosophie, pour expliquer sa vision de son travail.
« Ce que chacun voit est strictement personnel et dépend complètement de sa capacité de départ à ressentir les choses. Ce que nous voyons avec est notre conscience. La conscience est une lentille qui filtre tout ce qui se trouve en face de nous. Habituellement celle-ci est conditionnée par la société, l’éducation, les habitudes. »
« Je suis intéressé par l’unicité de l’individu et tout ce qui est commun à l’expérience humaine. »
« L’art est un merveilleux support de communication. Ce sont les pensées ou la conscience qui le rendent visible ou bien audible. Les écrits, les danses et musiques de nos ancêtres ont certainement été une manière de nous comprendre nous-mêmes. Chaque culture dispose d’un don au monde et idéalement ce serait fantastique de prendre le meilleur de chaque culture. »
« La chose la plus importante pour un danseur, c’est de communiquer, quoiqu’il en coûte. Nous oublions souvent que l’idée arrive en premier et que les techniques sont mises en place seulement après et afin de faire vivre cette idée. Tout ce qui est accompli requiert une technique. Il n’y a rien qui n’utilise pas la technique. Comment pouvons-nous utiliser des ustensiles de cuisine si nous n’avons pas de doigts, de baguettes ou de fourchettes, qui sont nos techniques humaines par exemple? De la même façon, il existe des techniques qui facilitent l’expansion du coeur. Le piano, par exemple, ne se joue pas tout seul… »
« À une époque, le ballet était de la danse de rue. Ce que nous appelons « danse classique » puise ses origines dans la danse folklorique. La danse folklorique, tout comme les contes de fées par exemple, prennent leurs racines dans des vérités métaphysiques. »
« La technique et la volonté sont inexorablement liées. L’archer a l’oeil du taureau en ligne de mire et sa seule préoccupation est la précision. La précision devient notre mode d’expression. Les artistes sont préoccupés par la communication des idées, et sur le fait que leurs idées soient précises et clairement exprimées. Il existe encore certains cercles de pensées qui semblent s’imaginer que les artistes s’impliquent dans une expression personnelle et indulgente avec eux-mêmes. Ce n’est pas le cas. La plupart des artistes sont à la recherche d’un choix définitif, pour que le spectateur, en le voyant, réalise qu’il n’y aurait pas pu y avoir d’autre choix. »
« Tous les arts se sont inspirés de la musique et de la danse. L’Illiade et l’Odyssée d’Homère sont certainement de la musique au départ .L’Enfer de Dante était certainement de la danse aussi. Les éléments de sons, de mouvements, de rythmes, de montée et de chute, de crescendo sont dans chaque chose. Le cerveau en marche, le coeur qui bat, le stylo qui écrit ; tout n’est que son et mouvement. Vous ne pouvez pas bouger sans faire de bruit, et vous ne pouvez pas faire de son sans faire de mouvement. Son et mouvement sont en chaque chose. Même en ce qui concerne les rochers immobiles apparemment. Et d’ailleurs, à l’heure actuelle, la science est à-même de nous dire que tout ce mouvement est en réalité une manipulation de lumière vibrant sur différentes fréquences. »
« Ce qui est pur est ce qui ne contient aucun mensonge. La danse pure est celle qui raconte la vérité. La vérité peut certainement être dite simplement avec quelqu’un qui bouge ou chante. L’absence d’artifice seul détermine ce qui est pur de ce qui ne l’est pas. Comme l’or pur. Si l’on entend par danse pure, la danse sans accompagnement, cela n’existe pas. Nous sommes tous accompagnés de pensées, du sang courant dans nos veines, du battement du coeur et de la respiration, de la lumière dans un espace particulier, du son ambiant et naturel… »
Concerto for two violins // Quintett // Resin
ALONZO KING
Crédit-photo RJ Muna
Les dates:
– Au Théâtre de l’Agora les 5,6,7,8 et 9 juillet 2014 dans le cadre du Festival Montpellier Danse / 1 ère en France.
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