« Macron, un Poutine inversé? »
Tribune d’Henri Feng, Docteur en histoire de la philosophie
À un mois de la présidentielle française, tous les instituts de sondage prédisent la réélection d’Emmanuel Macron dans tous les cas de figure. Depuis l’annonce de sa candidature, il est crédité, en moyenne, de 30% des suffrages au premier tour. Alors, Jupiter ne juge pas nécessaire de descendre de sa cité céleste pour débattre avec ses adversaires, d’autant plus que le conflit russo-ukrainien lui donne davantage l’occasion de mimer la figure du roi. Le 10 mars, il dirige un sommet de crise, à Versailles, réunissant les 27 pays membres de l’Union européenne. Il n’y a plus qu’un pas entre la présidence tournante du Conseil de sa chère Union et le trône de tsar occidental, Pour être, enfin, un Poutine inversé. Avec l’art d’improviser en temps de crise, tantôt pandémique, tantôt anthropologique, tantôt écologique, tantôt énergétique, tantôt géopolitique… Autant d’éléments amenant les populations à ployer devant une gouvernance mondiale. Certes, depuis déjà longtemps, la France n’est plus la France, elle n’est plus un État, ni même plus une nation, elle n’est même plus frondeuse, ni révolutionnaire. C’est la France « orwellienne », managériale, spectaculaire, anglo-américaine, pour qui les mots ne doivent plus dire les choses.
Dans ce charivari, il n’est pas étonnant que le candidat Macron de 2017, ait pu plaire si aisément à la gauche sociétale, culturelle, « wokiste », avant de capitaliser les suffrages de la droite libérale, y compris conservatrice. Dans un va-et-vient économico-social : entre austérité et gaspillage. De quoi donner le tournis, voire la nausée. En attendant, seules les affaires financières font la loi, qu’il y ait, en face, de la métapolitique ou pas. Voilà pourquoi, tous les autres candidats ne sont plus que des simulacres, ceux d’un modèle qui se veut central, éternel. Ainsi, la masse électorale est réduite à sa plus simple expression : un syndicat de copropriété. Pire encore : l’ancien journaliste Éric Zemmour, candidat surprise depuis novembre, fait pâle figure. D’après un récent sondage d’Élabe, il se ferait doubler par la ligne gauchiste de Jean-Luc Mélenchon. Franchement, une « union des droites » qui devient un désastre, qui ne se parle qu’à elle-même, qui ne parle plus à personne. Le grand revirement chez celui qui fut, naguère, gaulliste social. Tragiquement, le recours, la roue de secours, de la droite nationale, Monsieur « je l’ai toujours dit », devait divorcer avec les classes populaires.
Définitivement, c’est la France qui va « faire sa dose de rappel » (contre le Covid), qui, maintenant, veut ingérer des pastilles d’iode, la France qui aime les masques et les « confinements », la France qui dévalise les supermarchés dans la panique, la France qui veut des « esclaves » pour se faire livrer tout et n’importe quoi, la France de la moraline, la France du darwinisme social, la France du harcèlement moral, la France de l’indignation sélective, la France des chiffres truqués, cette France-là ne s’arrêtera plus d’avancer, d’écraser tout ce qui ne lui ressemble pas. Inéluctablement, la Macronie survivra au-delà de la personne d’Emmanuel Macron. D’où la consultation abusive des cabinets de conseil en stratégie. D’où l’invention des « fausses informations », le retour de la censure. Une société de la surveillance, de la police politique, un « despotisme doux », une « servitude volontaire », un flux tendu permanent. La dernière étape du libéralisme : un séduisant totalitarisme.