Jules Renard : le bel hommage littéraire de Catherine Sauval
Par Florence Yérémian – Jules Renard interprété par une femme ? Et pourquoi pas ! La comédienne Catherine Sauval éprouve suffisamment de révérence et de passion envers l’auteur de « Poil de Carotte » pour nous le faire apparaitre sous ses propres traits, le temps d’un bel hommage littéraire.
Inspirée essentiellement par le Journal de l’écrivain, elle en a sélectionné des phrases et des extraits teintés d’une ironie aussi lucide que mélancolique. L’oeil humide et la voix solennelle, Catherine Sauval a choisi d’entamer son monologue dans la peau d’un homme las et sans espérance…
Son Jules Renard a passé la quarantaine et il semble, en effet, insatisfait de tout: critiquant le théâtre de Shakespeare, les personnes hypocrites et les dangers du succès, il porte un jugement amer sur ce qui l’entoure et se complait sempiternellement dans sa misanthropie. Passant des aveux désenchantés aux souvenirs familiaux, il nous raconte ensuite la mort d’un père, celle d’un frère, puis finit par maudire cette mère pleine de haine qui ne savait que le traiter de « chieur d’encre » ! Le verbe aussi acéré que le regard, cet homme de lettres neurasthénique ne parvient à s’échapper de sa lassitude qu’à travers le giron de Dame Nature: évoquant les cailles, les hirondelles, la chasse ou les étoiles, c’est dans ce registre pastoral que ses mots commencent enfin à nous faire rêver tant ils sont attentifs à la terre qui le nourrit et aux bêtes qui l’entourent. Qu’il s’agisse du récit d’une famille d’arbres ou de la mort d’une noble vache, Jules Renard nous décrit ces êtres avec une précision si tendre qu’elle en devient presque douloureuse.
C’est cette écriture sentant le foin, l’étable et les petites gens de campagne que nous livre Catherine Sauval afin de nous faire inhaler la sensibilité exacerbée d’un écrivain, somme toute, peu connu. L’on regrette donc la cadence sèche qui rythme tout le début de son soliloque car elle confère à sa partition théâtrale une certaine rigidité. En débitant ainsi des nuées d’aphorismes et de proverbes signés Renard, la comédienne ne se rend pas compte qu’elle noie le spectateur sous un déluge de citations, certes fort belles, mais qui engloutissent progressivement son public. Au coeur de ce flux ininterrompu de maximes, l’on apprécie donc le moment où Catherine Sauval change enfin d’intonation pour mimer avec l’accent paysan une veuve coquette répondant au nom de Mme Louise. De telles parenthèses seraient les bienvenues pour laisser respirer ce texte plein d’esprit mais, avouons-le, d’une densité excessive.
A défaut d’être une pièce, cette mise en scène doit surtout se voir comme une lecture respectueuse des écrits de Renard qui nous permet de découvrir la plume acerbe de cet « homme qui voulait être un arbre … »
Jules Renard ? Bien plus qu’un « chieur d’encre », un très grand écrivain dont on doit impérativement ressusciter la prose aigre-douce !
Jules Renard : l’homme qui voulait être un arbre
D’après Le journal, Bucoliques et Histoires Naturelles de Jules Renard
De et avec Catherine Sauval
Théâtre de Poche
75 boulevard du Montparnasse – Paris 6e
Les lundis à 19h
Réservations : 0145445021
www.theatredepoche-montparnasse.com
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