Bertrand de Saint Vincent et Florence Laporte : Le court, cet art d’en dire long

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La nouvelle doit jouer des coudes, pour en imposer au roman. Deux tempéraments différents s’y essaient, avec un certain bonheur.

Sa bibliographie en atteste, Florence Delaporte a de la bouteille. Les 14 nouvelles autour de l’amour et du vin sonnent comme un hommage à ce vers d’Aragon : J’ai tout appris de toi jusqu’au sens du frisson. Le titre du recueil est emprunté à Nicole Croisille. Un index des noms cités aurait donné la mesure du foisonnement d’un nomadisme qui tend à une certaine intelligence du monde. Le gouleyant : « J’avais le gosier prêt à apprendre et j’apprenais vite », le palpitant : « L’odeur de son haleine au fond de moi, l’odeur de nous deux dans son haleine ».
Florence Delaporte moissonne les résidences d’écrivain. Au gré des pages, on en découvre les bénéfices collatéraux, jumelés à ses (in)fortunes horizontales.
Le vin dans tous ses états, de la découverte miraculeuse d’un caviste discret à la fréquentation d’intellectuels parmi les plus précieux du moment, « de ces amis qu’on chérit et qui aiment le vin », avec Jean-Claude Pirotte pour figure tutélaire, dont un extrait de ses Contes bleus du vin – la Bible du genre – marque le fossé qui existe entre un recueil élégant et la lumineuse maîtrise de l’ineffable.
Puis il conviendra d’apprivoiser un usage bouchonné de la conjugaison verbale.
« De l’amour et du vin », Florence Laporte, L’Ire des Marges, 16 €

On comprend d’emblée que Bertrand de Saint Vincent fréquente un autre monde. La Riviera à la place des Vosges, un Summertime blues au bar du George-Vé plutôt qu’un vin de pissenlit, le parfum du CAC 40 au lieu des chênes de Charente « puants de glands pourris ». Des piscines de gin, des femmes dites du monde, l’aura émoustillante des couples illégitimes, Monaco où une fille pleure dans une Ferrari jaune, l’indolence le disputant à l’insouciance … Mais la bourgeoisie est-elle toujours rêveuse ? On en doute, à lire les manigances des sœurs Glycine. Saint Vincent s’adapte à ceux qu’il croque. Il a réécrit la plupart de ces nouvelles et récits parus précédemment ailleurs. Pour raconter Will et Harry, il oscille entre les potins de Jours de France, le lyrisme daté de Big Léon Zitrone et la chronique d’une OPA annoncée.

Ce volume serait simplement agréable, sans un brillant portrait d’Antoine Blondin, le souffleur de verres de contact. D’une vie à rebondissements, fougueuse et festive, d’un tourbillon de fantaisie, d’un éblouissant talent littéraire, Saint Vincent tire le morceau de bravoure qui donne tout son prix au livre. N’appelez plus jamais Monsieur Jadis ce Hussard si contemporain qui, adolescent, confiait « Je ne sais pas si je retrouverai jamais ça. La clandestinité du bonheur ».

« Une certaine désinvolture », Bertrand de Saint Vincent, éd. du Rocher. 17,90 €

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