« Les lesbiennes à l’avant-garde du combat contre le patriarcat »

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Tribune d’Emmanuelle de Boysson, romancière et journaliste

Je suis sidérée par les réactions que suscite la sortie de mon roman « Je ne vis que pour toi ». Outre les plaisanteries et les sous-entendus habituels sur les lesbiennes qui me sont rapportés, certains journalistes m’ont avoué que le sujet était trop osé pour qu’ils en parlent dans leurs journaux, arguant même qu’il s’agit de « libertinage » et que mon roman risque de choquer leurs lecteurs. D’autres se taisent, d’autres se gardent bien de prononcer le mot « lesbienne ».

 

« Certains journalistes m’ont avoué que le sujet était trop osé pour qu’ils en parlent dans leurs journaux, arguant même qu’il s’agit de « libertinage » et que mon roman risque de choquer leurs lecteurs »

 

A croire que j’ai écrit un livre licencieux, un de ceux que la censure interdit, ou l’auto-censure, comme vous voulez. Alors que je n’étais pas encline à soutenir leur cause, je commence à croire qu’Alice Coffin, dans son entreprise provocatrice, a raison de dire haut et fort que les lesbiennes constituent une menace pour le patriarcat et qu’elles sont le miroir grossissant, le reflet d’une société où les hommes occupent la plupart des postes du pouvoir, des affaires et de la culture.

 

« Je commence à croire qu’Alice Coffin, dans son entreprise provocatrice, a raison de dire haut et fort que les lesbiennes constituent une menace pour le patriarcat »

 

Dans ces cercles où les femmes sont critiquées pour leur apparence, leur corps, leur vie privée, la plupart des lesbiennes n’osent faire leur coming out, contrairement aux hommes. Pourtant, mon roman parle d’un temps où l’homosexualité est réprouvée, dite « honteuse ». Un temps où Marcel Proust dissimule la sienne alors que celle des femmes est acceptée. A la Belle Epoque, une poignée d’entre elles, autour de Natalie Barney, riche femme de lettres américaine, se revendiquent lesbiennes et forment une académie de femmes sous l’égide de Sappho. Elles sont parmi les premières à publier de la littérature lesbienne.

 

« Mon roman parle d’un temps où l’homosexualité est réprouvée, dite « honteuse ». Un temps où Marcel Proust dissimule la sienne alors que celle des femmes est acceptée »

 

Notre époque aurait-elle régressé ? A voir la violence qui se manifeste face aux lesbiennes revendiquées, on se souvient des levées de bouclier devant les suffragettes et autres combats féministes, on en déduit que ces mouvements, si extrêmes soient-ils, justement parce qu’ils font peur, mêmes à certaines personnalités féministes, sont porteurs d’une vérité, d’un message d’espoir. Celui d’une plus grande égalité entre les hommes et les femmes, d’une reconnaissance des libertés, de la fin du patriarcat dont le poids du passé nous emprisonne.

Je ne vis que pour toi d’Emmanuelle de Boysson – Editions Calmann-Lévy
( Emmanuelle de Boysson – Photo de Marc-Antoine Coulon )
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