« Les Impressions des Petits Garçons » : dans la tête des rêveurs
François Baillon raconte des histoires où les souvenirs (re)dessinent les chemins de vie. Un voyage spirituel en sept nouvelles pour s’échapper des carcans d’une existence.
On a tous ces « impressions » qui nous reviennent en pensant à notre enfance, à un amour, une amitié, un événement. L’auteur réussit à embrasser ces instants fugaces de la mémoire pour extraire toute l’essence enchantée – tantôt sombre mais toujours mystérieuse – de leur existence. Des madeleines de Proust parfois saupoudrées d’onirisme, décrites avec une émouvante subtilité à travers des personnages complexes et habités. Émergent alors des lieux, des objets, des actes, seuls piliers d’une structure mémorielle mouvante et aléatoire.
« Parfois, il me semble que j’ai perdu le fil de toutes les circonstances qui m’ont amené à l’endroit où je suis. Il me semble (cette idée est irrecevable, mais cela apparaît si vrai) que j’en suis au tout premier jour de ma vie, vierge de toute émotion, vierge de toute conception élaborée par les hommes ; et si je le dis ainsi, c’est parce que avant tout, j’ai l’angoissante impression de n’avoir peut-être rien ressenti, depuis le début… »
De vagues réminiscences à la tonalité affective qui jaillissent avec des mots d’adulte, des interrogations, des rêveries, afin de sortir des sentiers battus : l’énigme de la vie est peut-être finalement le thème central du recueil. On a particulièrement succombé au « Souvenir du Dragon », d’une sensibilité rare, habilement raconté : comment un acte banal, la trahison d’un petit camarade et les remontrances injustifiées d’une mère peuvent, des années après, refaire surface sans crier gare lors d’un événement ? Pourquoi nous souvenons-nous de ce fait précis et occulté ? Comment a-t-il consciemment ou inconsciemment influencé la direction de notre vie ?
De ces impressions, on gardera le souvenir d’une échappée sensible, de « saudade », ce sentiment intraduisible en français qui exprime à la fois la mélancolie, la nostalgie et l’espoir. Au fond, on nous invite à prendre le temps de rêver et François Baillon veille à ce que la poésie contemporaine ne s’endorme pas.
« Les Impressions des Petits Garçons »
de François Baillon
Editions Gaspard Nocturne
148 pages – 17 euros