Jean Rouaud : les gens d’honneur

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De Saint-Cirq-Lapopie à Vezelay, en passant par le Contadour, Malagar ou Trebeurden, la France ne manque pas de lieux adoubés par des figures littéraires.

D’aucuns y auraient volontiers ajouté le kiosque à journaux de la rue de de Flandre, rendez-vous montmartrois des lecteurs de la presse papier à l’automne du siècle dernier. Jean Rouaud y a joué les seconds rôles, le temps d’une maturation et d’une transmutation, avant l’entrée en littérature et l’obtention d’un prix Goncourt dont il allait se révéler un usufruitier particulièrement durable. La statue du Commandeur de son nouveau roman est incarnée par P., kiosquier formé sur les barricades du militantisme soixante-huitard, honnête, pacifiste, aux convictions devenant tonitruantes dans la foulée de nuits arrosées.
Ses comparses sont à l’avenant. Une galerie de meurtris, d’utopistes, de véhéments dont l’évocation tient de la tendresse des Copains d’abord et de la fidélité de Bernard Clavel. Rouaud est moins consensuel avec ces messieurs qu’on nomme grands. Il monte au créneau dès qu’il s’agit des nouveaux kiosques, sortes de Beaubourg miniaturisés. Moins sarcastique qu’un certain Patrick R., dont la verve vitriolée a taillé – chez le même éditeur – de plaisantes croupières à Nicolas le Petit, il incarnerait plutôt un Rambaud Warrior qui se cabre devant l’obstacle d’un ego plaçant la barre très haut. On ne vend pas impunément son âme au diablotin de la rue Bernard-Palissy.

« Kiosque », Jean Rouaud, Grasset, 19 euros

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