Guillaume Apollinaire : la pièce maîtresse de sa garde-robe est un gilet jeune
Que représente un siècle, en regard d‘une œuvre qui continue d’enchanter et d’essaimer ? A n’en pas douter, la pièce maîtresse de la garde-robe de Guillaume Apollinaire est un gilet jeune.
Matisse, Braque, Derain, Chirico, Brancusi, Léger, Picabia et quelques autres enjolivent une main de poèmes d’Apollinaire. Il y a aussi Marie Laurencin, tourment délicieux, inclination majeure et béance lancinante. Le choix des textes ? Discutable, sinon ce serait un constat de modestie de l’œuvre. « Il s’inspire de la manière d’Apollinaire, il muse et compose, colle et condense, jubile ou soupire », prévient Laurence Campa dans une préface gagnée par la contagion et la tentation lyriques. Et ces calligrammes qui s’ouvrent comme des fleurs aux pétales assoiffés. On pense à Chaplin, qui voit la poésie comme une lettre d’amour adressée au monde …
« Tout terriblement », anthologie illustrée de poèmes d’Apollinaire ; édition et préface de Laurence Campa, Poésie Gallimard. 7,30 euros
Le Paris des Ecrivains est une collection qui a fait ses preuves. Le 28e volume voit Franck Balandier emboîter le pas à un Apollinaire frappé de bougeotte, tant sentimentale que géographique. Pour anodins qu’ils paraissent parfois, les petits faits relevés vont toutefois sédimenter l’homme et l’œuvre. Orfèvre en ironie, Balandier ne laisse échapper nulle situation cocasse, telles l’embauche du rimeur impécunieux par le Guide du Rentier et les incitations à l’indélicatesse, œuvres de Géry Piéret, un voyou sympathique. De Picasso au Douanier Rousseau émerge un réseau d’amitiés déterminantes. Paris et ces femmes qui « prennent des airs de fausses veuves au milieu d’une effervescence joyeuse, comme si la guerre n’était qu’un mauvais rêve » : une capitale plongée dans l’indécence ? Lors de la guerre suivante, nul ne s’offusquera qu’un Américain décrète « Paris est une fête ». Ce livre en est une autre.
« Le Paris d’Apollinaire », Franck Balandier, éditions Alexandrines, 12 euros
Récemment parus, dans la même collection : le Paris de Rimbaud, le Paris de Maupassant.
Balandier encore, avec « Apo », roman facétieux d’un épisode connu sommairement : Apollinaire derrière les barreaux. Une fiction documentée, montrant le poète en nouvelle victime d’une femme, celle-ci s’appelle Mona Lisa. »Elle peut lui raconter n’importe quoi. Il est prêt à la croire. Il pense qu’elle lui ment un peu. Qu’elle s’arrange avec sa vie. Pour lui plaire. ». Guillaume et la Joconde sont flanqués de personnages réels ou imaginaires, venus dilater l’épisode de l’incarcération à la Santé, en 1911. Pour le plaisir.
« Apo », Franck Balandier, Le Castor Astral, 17 euros
Pour Philippe Bonnet, Apollinaire et Paris sont consubstantiels. La période qui les lie est une des plus marquantes et des plus prolifiques du poète, dramaturge, romancier, journaliste, critique d’art. Avec Balandier, les pistes se croisent, sans plus. Bonnet prolonge et étoffe son propos par quantité d’éléments moins répandus, qui révèlent une recherche approfondie. Ainsi, l’origine du mot « surréalisme » telle qu’il la situe, bat quelque peu en brèche celle proposée par le musée Apollinaire de Stavelot. On appréciera également la manière de relater le banquet organisé en l’honneur d’Henri Rousseau ; Bonnet s’y montre aussi plaisant que soucieux de vérité. Ce Guillaume-là est loin du personnage « ganté et même cérémonieux » qui fréquentera le salon de Louise Faure-Favier, future pilote d’aéroplane, laquelle allait même tenter de rabibocher Guillaume et Marie Laurencin. Bonnet invite à une déambulation des plus plaisantes, orchestrée par une passion simple et contenue. Il serait malséant de ne pas y répondre.
« Apollinaire – Portrait d’un poète entre deux rives », Philippe Bonnet, Les Editions Bleu & Jaune, 18 euros
Vingt poèmes dits par Denis Lavant et des illustrations font bonne figure, face à six poèmes, également d’Apollinaire, mis en musique et chantés , dans un livre-disque présenté comme un cabaret-cantate, peut-être parce qu’il est « agrémenté » de huit chansons originales toporisantes. Les textes de liaison sont attribués à Guillaume lui-même et à André Salmon. Une paternité douteuse, puisqu’il y est affirmé que la ville de Stavelot abrite « un célèbre casino ». Ledit Casino est ailleurs, en un lieu que fréquenta Casanova. Qu’importerait le flacon, si l’on avait l’ivresse …
« Il est grand temps de rallumer les étoiles », en hommage à Guillaume Apollinaire, sur une idée originale et une composition de Reinhardt Wagner. Label 10h10 (www.10H10-music.com)