Que dit le Pacte mondial de l’Onu pour la migration signé par la France ?

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Le pacte de l’ONU sera soumis à approbation les 10 et 11 décembre au cours d’un sommet à Marrakech, auquel participera Emmanuel Macron. Il a été adopté à New York le 11 juillet dernier par tous les pays membres de l’organisation. Depuis, ce pacte ne fait pas l’unanimité au sein des 27 pays membres de l’Union Européenne et plus largement sur le plan international.

 

De nombreux pays ont déjà refusé de signer ce Pacte

La Hongrie, l’Autriche, la Pologne, la République tchèque ainsi que la Bulgarie, entre autres, ont déjà refusé de signer ce pacte. Les Etats-Unis et Israël ainsi que l’Australie ou encore la République dominicaine ont fait savoir officiellement qu’ils ne le signeraient pas non plus « pour garder la maîtrise sur leur immigration ». Pourtant, il est souvent répété par les défenseurs de ce pacte qu’il ne serait pas contraignant pour les Etats signataires. Pourtant plusieurs pays ont décidé de ne pas le signer au vu des objectifs (à la frontière ténue de l’idéologie) qu’ils préconisent sur les migrations.

 

Le soutien vigoureux d’Emmanuel Macron pour ce texte

Emmanuel Macron, quant à lui, a déclaré à Bruxelles le 19 novembre dernier que « la démarche des Nations Unies est louable. Ce texte, non contraignant juridiquement, est un bon texte qui donne des lignes de solution notamment dans la lutte contre l’immigration illégale. La France le soutient donc clairement ». En l’espèce, le Chef de l’Etat ira donc signer  ce pacte à Marrakech qui fait couler beaucoup d’encre dans ce qu’il prévoit et ce qu’il définit concernant le droit à la migration. Retour en quelques point sur ce pacte qui a été approuvé par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 11 juillet 2018. Que doit-on en attendre ? Les zones d’ombre sont nombreuses.

Un texte non contraignant mais qui présente des zones d’ombre dans ses recommandations

En effet, ce texte ne sera pas contraignant pour les Etats qui ne seront pas tenus de l’exécuter sur leur territoire en accord avec leur politique migratoire « Le pacte mondial réaffirme le droit souverain des États à déterminer leur politique nationale en matière d’immigration, et leur prérogative de régir l’immigration au sein de sa sphère de compétence nationale… ». Néanmoins, il est porteur d’un corpus idéologique face à la migration au travers de 23 objectifs présentés comme « un destin incontournable, jugé bénéfique pour les pays d’accueils ». On rappelle, à nouveau que de nombreux Etats européens et internationaux ont dénoncé cette vision en refusant de signer ce Pacte . Il pose effectivement des cadres notamment dans la lutte contre l’immigration illégale mais décline, en même temps, des objectifs pour accompagner cette immigration illégale, qu’il condamne, vers une certaine forme de légalité à l’aide d’accompagnements de toutes sortes. Tout cela reste à cette heure très opaque dans son énonciation, ses objectifs et ses visées.

Il est question également de « faciliter l’accès aux procédures de regroupement familial des migrants, quel que soit leur niveau de compétences »  et de « mettre en place des procédures accessibles et adaptées pour faciliter toute transition d’un statut à un autre et informer les migrants de leurs droits et obligations ». 

De plus, le Pacte ne parle pas de peuples d’accueil pour l’Etat de destination mais de « communautés d’accueil » (cf. Objectif 16) qui semble rejeter l’idée même d’une nation et semble favoriser une idée de communautarisation autour de cette question des migrations. Il apparaît également des confusions sémantiques étonnantes dans l’utilisation des termes afférents aux migrations dans leur ensemble. Il est également question de « promouvoir des sociétés inclusives et unies en donnant aux migrants les moyens de devenir des membres actifs de la société et en encourageant l’engagement réciproque des communautés d’accueil et des migrants en ce qui concerne les droits et obligations de chacun ». Ces termes ont un sens et une portée particulière, qui, à ce jour, sont habilement concassés dans un document qui entretient l’opacité.

 

Des sanctions  recommandées contre les médias

De plus, ce pacte porte un objectif extrêmement étrange envers les médias qui, d’une part, souhaite « promouvoir une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente, en instituant des normes déontologiques pour le journalisme et la publicité »  et, d’autre part, incite à des sanctions « en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse ». Dans l’absolu, on ne peut qu’approuver la première partie.  Néanmoins, on peut logiquement se demander quelle définition donne ce pacte à une information indépendante , objective et de qualité sur la question des migrations alors même qu’il est question de « favoriser les campagnes de sensibilisation à l’intention des communautés d’origine, de transit et de destination, le but étant d’amener le public à considérer les effets positifs qu’ont des migrations sûres, ordonnées et régulières » . N’y-a-t-il pas une volonté dans ce texte de n’autoriser qu’une voix, considérée comme positive, sur ce grand sujet international des migrations et sanctionner automatiquement des points de vue différents sur ces questions ? Dans le texte, à ce jour, rien n’indique le contraire. Inquiétant.

En l’état, la signature de ce Pacte ne sera pas sans conséquence. Emmanuel Macron le signera pourtant lors de ce Congrès à Marrakech les 10 et 11 décembre prochains, de façon unilatérale, sans l’accord de son peuple.

Le document est dense et développe de nombreux aspects de la question globale des migrations. Nous avons sélectionné de façon non exhaustive un certain nombre d’objectifs à atteindre proposés par ce « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » parmi les plus concrets que nous proposons à la sagacité de nos lecteurs.
Vous pouvez consulter et lire le document intégral sur ce lien pour plus de précisions  ( http://www.un.org/fr/conf/migration/ )

 

Extraits du Projet de document final de la Conférence

Objectif 3 : Fournir dans les meilleurs délais des informations exactes à toutes les étapes de la migration
> Mettre en ligne à l’échelle nationale et promouvoir un site Web centralisé et accessible au public qui offre des informations sur les options de migration régulière, comme les lois et politiques en matière d’immigration, les critères et formalités d’obtention, le coût et les modalités de conversion des visas, les critères d’obtention d’un permis de travail, le niveau de qualification professionnelle requis, les modalités d’évaluation des titres de compétences et les équivalences, les perspectives de formation et d’études et le coût de la vie et les conditions de vie dans certains pays, afin que les migrants puissent prendre des décisions informées

> Installer le long de certaines routes migratoires des points d’information pouvant orienter les migrants vers des services d’appui et de conseil adaptés aux enfants et sensibles à la problématique femmes-hommes, donnant la possibilité de communiquer avec des représentants consulaires du pays d’origine et mettant à disposition des renseignements utiles, notamment sur les droits de la personne et les libertés fondamentales, la protection et l’assistance souhaitables, les options et filières de migration régulière et les possibilités de retour, dans une langue comprise par la personne concernée

 

Objectif 4 : Munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats

Nous nous engageons à garantir le droit de chaque individu à une identité légale en délivrant à chacun de nos citoyens une preuve de nationalité et tous les papiers nécessaires permettant aux autorités nationales et locales de s’assurer de l’identité légale d’un migrant lors de son entrée sur le territoire, tout au long de son séjour et à son retour, et afin de garantir des procédures migratoires rigoureuses, des services efficaces et une meilleure sécurité publique. Nous nous engageons en outre à prendre les mesures nécessaires pour délivrer aux migrants, à toutes les étapes de leur migration, les papiers et actes d’état civil dont ils ont besoin, notamment les actes de naissance, de mariage et de décès, afin de leur donner les moyens d’exercer véritablement leurs droits de l’homme

 

Objectif 5 : Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples

> Nous nous engageons à ménager des options et des filières de migration régulière pour faciliter la mobilité de la main-d’oeuvre et le travail décent compte tenu des réalités de la démographie et du marché du travail, optimiser l’accès à l’éducation, défendre le droit à la vie de famille et répondre aux besoins des migrants qui se trouvent en situation de vulnérabilité, l’objectif étant de développer et de diversifier les filières de migration sûre, ordonnée et régulière.

> Faciliter l’accès aux procédures de regroupement familial des migrants, quel que soit leur niveau de compétences, en prenant des mesures favorisant l’exercice du droit à la vie de famille et l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment par l’examen et la révision des critères applicables, comme le niveau de revenu, la connaissance de la langue, la durée du séjour, l’autorisation de travail et l’accès à la sécurité sociale et aux services sociaux

 

Objectif 6 : Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d’un travail décent

> Nous nous engageons à examiner les mécanismes de recrutement existants afin de veiller à ce qu’ils soient justes et éthiques, et à protéger tous les travailleurs migrants de toute forme d’exploitation et de maltraitance, afin de garantir un travail décent et de maximiser les contributions socioéconomiques des migrants tant dans leur pays d’origine que dans leur pays de destination.

 

Objectif 7 : S’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire

> Veiller à ce que les migrants aient accès à des services publics ou indépendants d’assistance et de représentation juridiques à un coût abordable, pour les procédures judiciaires qui les concernent, y compris en cas d’audience judiciaire ou administrative, pour garantir que tous les migrants, où qu’ils se trouvent, soient considérés comme des personnes devant la loi et que la justice soit rendue de façon impartiale, sans discrimination ;
> Mettre en place des procédures accessibles et adaptées pour faciliter toute transition d’un statut à un autre et informer les migrants de leurs droits et obligations, afin qu’ils ne se retrouvent pas en situation irrégulière dans le pays de destination et pour réduire la précarité des statuts et les vulnérabilités qui en découlent et permettre aux migrants d’obtenir un examen de leur dossier individuel, notamment pour ceux qui ne sont plus en situation régulière, sans craindre d’être expulsés arbitrairement ;

 

Objectif 8 : Sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus

> Nous nous engageons à coopérer au niveau international pour sauver des vies et prévenir les risques de décès et de blessure des migrants en organisant des opérations de recherche et de sauvetage individuelles ou conjointes, ainsi que la collecte et l’échange normalisés d’informations pertinentes, et en assumant collectivement la responsabilité de la protection de la vie de tous les migrants, conformément au droit international. Nous nous engageons en outre à identifier les migrants décédés ou disparus et à faciliter les échanges avec leurs familles.

 

Objectif 11 : Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée

> Nous nous engageons à gérer nos frontières nationales de manière coordonnée, à promouvoir la coopération bilatérale et régionale, à assurer la sécurité des États, des communautés et des migrants, et à faciliter les mouvements transfrontaliers de personnes réguliers et sûrs, tout en prévenant les migrations irrégulières. Nous nous engageons en outre à mettre en oeuvre des politiques de gestion des frontières qui respectent la souveraineté nationale, la primauté du droit, les obligations découlant du droit international et les droits fondamentaux de tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, et qui soient non discriminatoires et tiennent compte de la problématique femmes-hommes et des besoins particuliers des enfants.

 

Objectif 15 : Assurer l’accès des migrants aux services de base

> Nous nous engageons à faire en sorte que tous les migrants, quel que soit leur statut migratoire, puissent exercer leurs droits de l’homme en leur assurant un accès sûr aux services de base. Nous nous engageons en outre à renforcer les systèmes de prestation de services accessibles aux migrants, étant entendu que les nationaux et les migrants réguliers sont susceptibles de bénéficier d’une gamme de services plus étendue, tout en veillant à ce que toute différence de traitement soit fondée en droit, proportionnée et légitime, conformément au droit international des droits de l’homme.

 

Objectif 16 : Donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine intégration et de la cohésion sociale

> Nous nous engageons à promouvoir des sociétés inclusives et unies en donnant aux migrants les moyens de devenir des membres actifs de la société et en encourageant l’engagement réciproque des communautés d’accueil et des migrants en ce qui concerne les droits et obligations de chacun, notamment le respect des lois nationales et des coutumes du pays de destination. Nous nous engageons en outre à améliorer le bien-être de tous les membres de la société en réduisant au maximum les disparités, en évitant toute polarisation et en renforçant la confiance placée par le public dans les politiques et les institutions relatives aux migrations, étant conscients que des migrants pleinement intégrés contribuent davantage à la prospérité.
Promouvoir le respect mutuel des cultures, des traditions et des coutumes entre les communautés d’accueil et les migrants grâce à l’échange et à la mise en oeuvre de pratiques optimales en matière de politiques, programmes et activités d’intégration, y compris en ce qui concerne les moyens de promouvoir l’acceptation de la diversité et de faciliter la cohésion sociale et l’inclusion ;

 

Objectif 17 : Éliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues

> Nous nous engageons à éliminer toutes les formes de discrimination et à condamner et combattre les expressions, les manifestations et les actes de racisme, de discrimination raciale, de violence et de xénophobie visant tous les migrants et l’intolérance qui y est associée, conformément au droit international des droits de l’homme. Nous nous engageons également à encourager un débat public ouvert, fondé sur l’analyse des faits et associant l’ensemble de la société, le but étant que la question des migrants et des migrations soit abordée de façon plus réaliste, humaine et constructive. Nous nous engageons enfin à protéger la liberté d’expression dans le respect du droit international, conscients qu’un débat ouvert et libre contribue à une compréhension globale des migrations sous tous leurs aspects.

> Promouvoir une information indépendante, objective et de qualité, y compris sur Internet, notamment en sensibilisant les professionnels des médias aux questions de migration et à la terminologie afférente, en instituant des normes déontologiques pour le journalisme et la publicité et en cessant d’allouer des fonds publics ou d’apporter un soutien matériel aux médias qui propagent systématiquement l’intolérance, la xénophobie, le racisme et les autres formes de discrimination envers les migrants, dans le plein respect de la liberté de la presse

Favoriser les campagnes de sensibilisation à l’intention des communautés d’origine, de transit et de destination, le but étant d’amener le public à considérer les effets positifs qu’ont des migrations sûres, ordonnées et régulières, sur la base d’éléments tangibles et de faits, et de mettre un terme au racisme, à la xénophobie et à la stigmatisation à l’égard de tous les migrants

 

Le clip officiel des Nations Unies pour promouvoir « le Pacte Mondial pour la migration »

 

Photo by Jason Leung on Unsplash
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