Montée de la violence, la France, une « société malade » d’un mal gratuit, sournois et imprévisible

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Tribune de Bruno Pomart

Ancien policier du Raid, Bruno Pomart est le Maire sans étiquette de la commune de Belfou dans l’Aude. Il est également le président et fondateur de l’association Raid Aventure Organisation (www.raid-aventure.org ).

En 2017, la France a dépassé cette année les 600 000 cas d’agressions «gratuites » – sans motif crapuleux – soit environ 777 par jour, et ce ne sont là que les violences déclarées, estimées à 20% du total réel ! Et si l’on considère les seules violences faites aux femmes, le nombre de signalements a augmenté de 22% : une véritable explosion ! Ces chiffres édifiants traduisent une impulsivité et une agressivité grandissantes dans notre société, ceci y compris dans les situations les plus banales : un coup de klaxon donne lieu à un caillassage, un mot prononcé trop haut à un coup de couteau. L’esprit de représailles, immédiates ou différées, est omniprésent.

La « violence ordinaire », que nos dirigeants s’appliquent à tempérer par des chiffres de la criminalité globalement à la baisse, s’illustre à travers le nombre effarant de faits divers qui, en s’accumulant, dessinent un phénomène de dérive monstrueux. La nouvelle « Police de Sécurité du Quotidien », lancée par Gérard Collomb le 18 septembre 2018 en vue d’une « reconquête républicaine des quartiers » est-elle taillée pour répondre à ces nouvelles menaces, intestines et imprévisibles ?

Pour cela, encore faudrait-il que les renforts humains et matériels réclamés par les services de sécurité soient réellement pris en compte ! En effet, en plus d’un manque de moyens chronique, police et gendarmerie subissent une crise des vocations de grande ampleur. Pour quelle raison ? Parce que policiers et gendarmes ont le sentiment que leur mission première, celle d’enquêter et de protéger les populations, s’efface de plus en plus derrière la lourdeur administrative générée par la peur de l’erreur de procédure, et le manque de soutien de leur hiérarchie et des politiques face à des violences qui les concernent personnellement.

De nombreux policiers confessent avoir peur de porter l’uniforme, car cela fait d’eux des cibles toutes désignées. Habits civils et voitures banalisées ne leur garantissent pas plus de sécurité car, du fait d’effectifs réduits, leurs visages sont connus dans les quartiers, les plaques de leurs véhicules jamais remplacées également. Prises à parti, pièges et attaques éclair à leur encontre, uniquement du fait de leur fonction, sont monnaie courante. Ils deviennent tellement banals pour les délinquants que cela devient un jeu de filmer l’agression, sans risque de conséquences énormes, puisque l’heure est à la disparition des peines courtes et à l’aménagement des peines en général, sans que les besoins en surveillants et en éducateurs spécialisés qui en découlent ne soient évalués à leur juste mesure par le ministère de la Justice.

Déconnectée des réalités policières et du caractère nouveau – impulsif et disproportionné – des violences quotidiennes, la réforme de la Justice prévue par Nicole Belloubet, qui devrait aider et conforter nos forces de l’ordre dans leur autorité, ne fait que les fragiliser davantage, car le gouffre se creuse entre le moment où la délinquance se forme et celui où elle est réellement réprimée. Se sentant en situation d’impunité, les agresseurs n’hésitent ainsi plus à passer à l’acte.

Il est particulièrement urgent de réformer l’ordonnance de 1945 sur le traitement spécial réservé aux mineurs afin que les multirécidivistes, qui profitent actuellement du système ou sont exploités par les trafiquants ou les voyous du fait de leur âge, soient traités comme des adultes et soient soumis aux mêmes peines s’ils commettent des actes extêmement graves et répréhensibles.

Par ailleurs, même si l’effet de bande et l’expansion des trafics peuvent expliquer une partie de ces violences, ils ne sont pas les seuls facteurs déclencheurs. Aujourd’hui, de nombreux faits de violence peuvent être imputables à l’échec de la psychiatrie en France. Face à une société de plus en plus dure et instable, qui réclame une adaptation constante loin d’être évidente pour des personnes fragiles psychologiquement, la réponse des institutions médicales est insuffisante et inadaptée.

La France a fait le choix de limiter les internements, y compris pour les personnes les plus dangereuses pour elles-mêmes et pour la société, entraînant la fermeture de nombreux services et unités psychiatriques, tout en cédant de plus en plus au mirage de la « classification » des troubles mentaux associée à une « solution » médicamenteuse, aux dépens de la psychothérapie et de l’écoute de la personne.

Les troubles de celle-ci n’étant pas réglés, mais seulement camouflés, sa dangerosité n’est pas amoindrie, non plus que son mal-être, qui peut vite se transformer en révolte meurtrière. Nous en avons eu un parfait et horrible exemple avec le décès de ce jeune pompier dans le Val-de-Marne, poignardé par l’homme qu’il venait secourir !

Quelle est cette société qui permet ainsi que ses anges gardiens soient maltraités et tués ?! Non seulement la dangerosité des personnes secourues est souvent sous-évaluée, voire écartée lors du dispatching, mais en plus, la mauvaise coordination des services d’urgence et la sur-sollicitation, des pompiers en particulier, conduit à un épuisement moral et physique des équipes, donc à un regain de risques pour elles-mêmes.

Et quelle est cette société qui laisse un discours anti-flic, tel que celui de Yann Moix, être diffusé à une heure de grande écoute, incitant la population, notamment toute une partie des jeunes, à ne plus respecter la police nationale ? Le pire étant l’écho qu’un tel discours trouve d’ores et déjà dans l’opinion publique !

La France et ses politiques doivent cesser de se voiler la face. Les violences gratuites ne sont pas un phénomène marginal, que l’on pourrait circonscrire à certains quartiers, c’est un mal sournois qui peut se manifester partout, à n’importe quel moment, et qui exige des mesures fermes et conséquentes : il faut restaurer le caractère dissuasif des peines de prison, renforcer l’autorité des services de sécurité et de secours en leur donnant les moyens d’agir sans risquer de se faire tuer à tout instant, et surtout accompagner les personnes, victimes comme agresseurs, les unes pour les soutenir et les aider à se reconstruire, les autres pour comprendre et désamorcer cette violence qu’ils portent en eux. Une solution humaine produira des résultats humains. Au contraire, une solution bureaucratique et dépourvue d’humanité ne fera qu’alimenter ce monstre qui ronge notre société de l’intérieur.

Le Ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard, a annoncé des dotations à hauteur de 15 millions d’euros à destination des associations qui œuvrent en faveur du rapprochement social et de l’intégration républicaine dans les quartiers Politique de la Ville, c’est un bon début, mais il reste tellement à faire…

 

Bruno Pomart est le Maire sans étiquette de la commune de Belfou dans l’Aude. Il est également le président et fondateur de l’association Raid Aventure Organisation (www.raid-aventure.org ). C’est une association de policiers bénévoles qui organise des journées sportives et citoyennes dans les quartiers pour le rapprochement polices/ Jeunes. Bruno Pomart a créé cette association il y a 25 ans,
Bruno Pomart est également un ex-policier du Raid – Police Nationale, auteur du livre « Flic d’élite dans les cités », Chevalier de la Légion d’honneur, Chevalier de l’ordre National du mérite et médaillé d’or de la jeunesse et des sport

 

( Photo by Randy Colas on Unsplash )

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