William Mesguich exalte les mémoires d’un fou

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Par Florence Yérémian – bscnews.fr / Pour sa rentrée théâtrale, William Mesguich s’attaque à Flaubert et à ses pensées. Seul sur scène durant une heure, il fait resurgir le tout premier texte de cet écrivain névrosé. Il faut savoir, en effet, que les Mémoires d’un fou ont été rédigées lorsque Flaubert n’avait encore que dix sept ans: amoureux fougueux et insatisfait, ce jeune auteur possédait déjà le recul et la désillusion d’un adulte sur la triste société qui l’entourait.

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Evoluant sur une scène couverte de feuilles manuscrites, William Mesguich articule son monologue comme une autobiographie parsemée de réflexions philosophiques. La nuque nerveuse et le regard halluciné, il ne joue pas Flaubert, il l’est. De sa voix d’outre-tombe si particulière, il retrace l’enfance de l’écrivain, s’attarde amèrement sur les moqueries adolescentes, évoque les envies d’ailleurs, les angoisses existentielles puis il vient se lover à même le sol pour parler de ses émois amoureux. Plongeant ses yeux cristallins dans ceux des spectateurs qui l’entourent, ce Flaubert réincarné a l’esprit qui se noie dans ses passions et va jusqu’à s’extasier de ses propres pensées!
Bien que confuse, la juvénile prose flaubertienne séduit par sa frénésie élégiaque. Elle enivre d’ailleurs William Mesguich qui s’y jette intégralement, au point parfois d’y perdre pied. Au fil de son long soliloque désenchanté, on a l’impression que la folie guette vraiment ce talentueux comédien: il crie, suffoque, délire et termine sa prestation en nage, au bord de l’épuisement. Par delà sa fiévreuse exaltation qu’il transmets au public, il confère aussi aux mémoires de Flaubert une certaine audace voire de l’ironie: se perchant sur une table comme une gargouille, il prend l’accent British, interpelle avec flamme ses auditeurs, puis les entraine dans la démence de son protagoniste.
Face à l’ivresse évidente que le jeune Mesguich éprouve en jouant, on regrette un peu que la mise en scène ne soit pas en adéquation: certes, la scénographie comporte de belles trouvailles à l’instar de ces moments musicaux ou de ces phrases de Flaubert ruisselant dans la salle comme des gouttes de pluie, mais Sterenn Guirriec aurait du s’arrêter là. Nul besoin d’accentuer les effets de son et de lumière pour nous faire percevoir les complaintes et la verve lyrique de Flaubert: au contraire, une scène feutrée voire épurée eut été parfaite pour servir d’écrin au caractère rimbaldien de Mesguich et à la complexité d’un tel texte! Une table, un encrier, la lumière douce d’une bougie, quelques ombres portées pour évoquer les hantises fantomatiques de l’écrivain et le tour était joué!

Mémoires d’un fou
de Gustave Flaubert
Adaptation Charlotte Escamez
Mise en scène Sterenn Guirriec
Avec William Mesguich
Durée: 1h

Théâtre de Poche Montparnasse
75, boulevard du Montparnasse
75006 Paris

Du 8 septembre au 8 novembre 2015
Du mardi au samedi à 19h
Le dimanche à 17h30
Réservations: 0145445021
www.theatredepoche-montparnasse.com

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