Emmanuelle Friedmann remonte le fil, enquête. A Douarnenez, le vieux patron d’une fabrique de sardines se reproche d’avoir banni son fils unique qui voulait épouser une roturière. Historienne, Emmanuelle recrée le monde de l’entre-deux-guerres, le drame des familles séparées, des pères disparus, des mères courageuses. Celui de ces pupilles de la nation souvent maltraités. Bretonne, elle raconte la vie des pêcheurs, nous livre des recettes de sauces réservées aux sardines en boîte. Un roman vivant, passionnant, plein d’espoir qui ferait un très bon film.
Comment avez-vous eu l’idée de raconter l’histoire d’Olivier, pupille de la nation de la France de l’entre deux guerres ?
C’est en 1917 que l’on a inventé le statut de pupille de la Nation pour venir en aide aux enfants qui avait perdu l’un de leurs parents des suites du conflit mondial. J’avais envie d’évoquer cette Grande Guerre, le chaos qu’elle a provoqué par sa brutalité sur les soldats mais aussi sur les civils et notamment les enfants. Et puis en toile de fond je voulais aussi évoquer l’émancipation des femmes et le basculement de la France du xixe au xxe siècle. Et puis, avec plus de légèreté, je suis passionnée de cuisine. C’est ce qui a influencé les décors de mes deux précédents ouvrages, « Le Rêveur des Halles » qui se situe au coeur de ce marché géant et populaire disparu aujourd’hui et le deuxième « La Dynastie des Chevallier », qui racontait l’histoire de la première chocolaterie industrielle et sa cité ouvrière sur les bords de la Marne. Et pour ce dernier roman, j’ai imaginé un pêcheur, à Douarnenez, qui bâtissait sa propre fabrique de Sardines et inventait des recettes avec différentes sauces et condiments pour les agrémenter.
Pourquoi le choix de la Bretagne ?
C’est une région que j’aime beaucoup et où je vais très souvent en vacances. J’ai donc choisi logiquement, Saint Malo et Douarnenez comme décors à mon roman, deux villes que je connais très bien.
Est-ce une histoire vraie ?
Tout le contexte historique est réel, en revanche l’histoire de cet orphelinat, celle d’Olivier et de ses camarades, est totalement fictionnelle mais réaliste et plausible. Je me suis imaginée, après avoir lu des livres d’histoire et documents, la région, la période et sur la thématique des orphelins quelle pouvait être la vie dans un orphelinat. Le personnage du petit Olivier, à la recherche de ses origines s’est rapidement imposé.
Vous êtes-vous beaucoup documentée ?
Oui, pour tous les romans historiques que j’ai écrits, je lis énormément. D’abord sur la période historique, pour ne pas commettre d’anachronisme mais aussi pour me représenter la façon dont vivaient les gens à cette époque. Je suis historienne de formation et c’est un plaisir de me replonger dans mes livres d’histoire. D’ailleurs c’est lorsque je commence ce travail de documentation que les personnages m’apparaissent.
Qu’est-ce qui vous tient tant à coeur dans ce récit ?
Je voulais illustrer l’importance de parler, d’expliquer, aux enfants leurs origines. Tous ces petits orphelins souffrent bien sûr de ne pas avoir de parents, du manque d’affection et des mauvais traitements que leur infligent les surveillants sadiques, mais ce qui leur est le plus insupportable pour eux, c’est de ne pas connaître leur histoire familiale. Et c’est ce qui va pousser, Olivier, le plus raisonnable des trois petits héros, à décider de fuguer pour partir à la recherche de sa mère, persuadé qu’elle est encore en vie. Mais ma principale ambition, lorsque j’écris un livre, est de distraire les gens, de les faire rêver, et de leur faire oublier, le temps de la lecture, leurs quotidiens.
Pourriez-vous évoquer la vie des orphelins dans ce genre de pensionnats ?
Heureusement pour les orphelins et même les enfants, en général, les méthodes d’éducation ont bien évolué même si elles sont toujours perfectibles. On prend davantage en compte l’aspect psychologique, on ne sépare plus les fratries, les punitions corporelles sont interdites, les enfants ne sont plus obligés de travailler et on les place souvent dans de petites structures, on facilite leur placement en famille d’accueil. Dans le roman, ces enfants privés d’amour parental ont du mal à se construire parce qu’on nie presque leur humanité. Certains des petits pensionnaires avaient été placés dans l’établissement parce que leur famille n’était plus en mesure de s’occuper d’eux – que ce soient pour des raisons sociales ou économiques – d’autres étaient vraiment orphelins de père ou de mère. Olivier, Martin et Baptiste, ne savent rien de leurs origines. Martin qui a été séparé de sa petite soeur, n’a qu’une idée, la retrouver. Baptiste, qui sera brièvement adopté, n’apprendra qu’à ce moment là qu’il est véritablement orphelin. Et quant à Olivier, il n’a
qu’une idée : s’évader et retrouver sa maman.
L’amitié sauve-t-elle les enfants ?
Je crois que, sans faire de généralité, l’amitié illumine la vie et la rend plus douce. Et effectivement lorsque Olivier, Martin et Baptiste se lient d’amitié, ils vont s’entraider, traverser les obstacles et les épreuves avec plus de légèreté et plus de force. Et puis sans dévoiler la fin, ils vont devenir plus que des amis, des frères !
Comment écrivez-vous ? Faites-vous un scénario ?
J’essaye d’écrire régulièrement, tous les jours, mais parfois, je suis prise par mon travail de journaliste et je passe plusieurs jours sans pouvoir toucher à mon manuscrit, ce qui ne m’empêche pas d’y penser tout le temps. Après le travail de documentation, j’ai une idée de tous mes personnages, de leurs profils psychologiques et dans les grandes lignes, de l’intrigue. Mais je n’exclue jamais de me laisser surprendre. C’est très agréable d’avoir le sentiment que les personnages vous échappent et décident de leur vie romanesque !
« L’orphelinat »
d’Emmanuelle Friedmann
Editions Calmann-Levy
272 pages – paru le 14/01/2015
18;90 euros
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