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Hugues Royer : l’amour, plus fort que la mort

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Par Emmanuelle de Boysson – bscnews.fr/ Photo Cyril Moreau/ Jeune caissière dans une supérette, Eden a été adoptée et ne sait pas qui est son géniteur. Une nuit, elle reçoit un coup de fil qui lui apprend à la fois le nom et la mort récente de son père biologique.

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Elle se rend à l’enterrement, n’a aucune envie de « rencontrer cette famille qui l’a rejetée ». En parallèle à son histoire, Hugues Royer donne la parole à William le père qui vient de mourir d’un accident de la route. Il observe les vivants. Il venait de se fiancer. Son esprit plane au-dessus d’Eden. Un jour, elle entend une voix : « Est-ce que tu m’entend ? » Hugues Royer s’interroge sur la filiation, mais aussi sur la vie après la mort. Un roman sensible, d’une grande finesse psychologique où les personnages en quête d’identité et de résilience vous bouleversent, vous aident à surmonter le deuil, le manque d’amour, comme s’ils vous prenaient par la main. Flirtant avec le rêve et le surnaturel, ce roman tendre et profond écrit à la pointe du cœur, restera longtemps dans vos mémoires.

Comment vous est venue l’idée d’écrire ce roman ?
J’étais sur une plage, en juillet, sur l’île d’Oléron. Le ciel était chargé de nuages, sublime, et j’ai eu envie d’imaginer ce qui pouvait se passer là-haut…

Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer la quête de lien entre une jeune femme et son père biologique qu’elle n’a pas connu ?
Je suis moi-même papa et la question de la filiation est un des plus grands mystères auquel tous les parents du monde sont confrontés. D’une certaine façon, nos enfants permettent à une partie de nos gènes de survivre ; et en même temps, ils sont radicalement différents de nous.

Parlez-nous des personnages d’Éden et de William, pour lesquels vous éprouvez de la tendresse…
Éden est une jeune femme en quête d’identité parce qu’elle a été abandonnée. C’est un personnage solaire, généreux, tourné vers les autres. J’aimais l’idée qu’elle travaille comme caissière pour payer ses études de psychologie. William, son père, est un personnage beaucoup plus torturé, un scénariste reconnu, mais qui se rêve écrivain.

Pourquoi avez-vous choisi de permettre à William mort dans un accident de la route d’observer les vivants, de s’interroger sur sa vie et d’entrer en relation avec sa fille ?
Il est mort trop tôt, à 37 ans, avec le sentiment qu’il lui restait beaucoup à faire. Alors il fait de la résistance : plutôt que de lâcher prise pour pouvoir s’élever, il observe les vivants, frustré d’avoir perdu sa place au milieu d’eux.

Vous rendez William très bienveillant, mais il éprouve des remords. Avez-vous voulu qu’il tente de réparer l’abandon de sa fille, de combler le manque ?
Exactement ! Sa mort va être une chance pour lui de réparer l’erreur de sa vie : avoir laissé, il y a longtemps, sa compagne disparaître avec leur fille alors qu’elle était bébé. Une erreur qu’il ne se pardonne pas et qui l’a privé du bonheur de voir grandir Eden.

William en veut aussi à son « meurtrier ». Surmonte-t-il sa rancune ?
Ne dévoilons pas trop l’histoire… Mais vis-à-vis de l’homme qui a provoqué sa mort, il y a tout, c’est vrai, tout un parcours initiatique qui doit faire passer William du ressentiment au pardon. En sera-t-il capable ?

Comment arrive-t-il à dépasser le chagrin d’être séparé à jamais de sa fiancée, Katsuko ?
Katsuko est une scientifique pur jus, hermétique à ses appels. À force d’échouer à communiquer avec elle, William se fait une raison. Et puis, ses retrouvailles avec Éden vont peu à peu combler son manque affectif.

De son côté, avez-vous désiré qu’Éden pardonne, retrouve confiance ? En un mot, vit-elle à travers cette expérience, une forme de résilience ?
Eden en a longtemps voulu à son père biologique, qu’elle regardait comme un « salaud », sans connaître la vérité sur son passé. Mais là encore, elle va apprendre à le regarder autrement. Oui, vous avez raison, on peut parler d’une forme de résilience.

Pensez-vous qu’il puisse y avoir une vie après la mort ? Que les disparus nous font signe ?
C’est une hypothèse que j’ai développée dans mon roman. Une hypothèse rassurante pour ceux qui ont perdu un être cher. De nombreux lecteurs m’ont d’ailleurs confié avoir été apaisés après avoir lu « Est-ce que tu m’entends ? » C’est le plus beau compliment qu’on puisse m’adresser.

William est écrivain, croyez-vous que les livres nous survivent, que nous écrivons pour laisser une trace ? Et vous, qu’est-ce qui vous pousse à écrire ? Depuis quand écrivez-vous ?
Même si l’idée de postérité me semble un peu vaine, les livres nous survivent, c’est un fait. Ils constituent une empreinte de notre passage sur Terre. J’écris depuis que je suis adolescent, pour apaiser mes angoisses, exprimer ce que je ressens, crier ma différence aussi – nous sommes tous différents. En un mot, tenter de dormir tranquille !

Ce roman puise-t-il ses racines dans votre vie personnelle ?
Jamais je n’aurais écrit ce livre si mon père n’était pas décédé d’un cancer fulgurant en 2009. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que j’aie inventé toute cette histoire pour me donner une chance de dialoguer avec lui une dernière fois…

En quoi consiste votre travail à Voici ?
Je suis chargé de traiter avec humour l’actualité des célébrités. De trouver des titres, des légendes qui vont divertir nos lectrices. Décrire l’insoutenable légèreté des people, c’est tout un art, vous n’imaginez pas !

Quelles sont vos plus belles rencontres ? Mylène à qui vous avez consacré un livre ? Cabrel ?
Mylène Farmer est une femme que j’admire infiniment, Cabrel un artiste qui force le respect. Mais mes rencontres les plus belles s’écrivent au présent et se rêvent au futur. Apprendre à connaître mes filles, alors qu’elles se construisent sous mes yeux, est une expérience fascinante. C’est tout ce qui a manqué à William, mon héros, avec Éden. Une lectrice m’a récemment avoué que mon livre l’avait rapprochée de ses enfants. Ça m’a vraiment touché.

Est-ce que tu m’entends ?
de Hugues Royer
Editions l’Archipel
18,95 €

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