Laurence Tardieu : «L’art comme une prise de risque»
Par Stéphanie Hochet – bscnews.fr/ Le cauchemar pour l’écrivain est d’être sans suc pour écrire et de penser que cette sécheresse durera toujours. Il y a quelques années, l’écrivain Laurence Tardieu était atteinte de ce mal et croyait qu’il en serait toujours ainsi quand le hasard, la curiosité ou peut-être un mystérieux sixième sens l’ont amenée à la galerie du Jeu de Paume où l’on exposait les oeuvres de la photographe américaine Diane Arbus.
Et quelque chose se passa. Sans doute, Laurence Tardieu avait-elle besoin d’une rencontre forte qui lui permette de sortir de son impuissance d’écrivain, sans doute a-t-elle vu une soeur en Diane Arbus qui, certes, est née à une autre époque qu’elle mais vient d’un milieu social comparable à celui de Laurence : la confortable bourgeoisie new-yorkaise, parisienne, milieux clos, peut-être protecteurs mais où Diane et Laurence ont connu la sensation d’irréalité, sensation terriblement molle qui convainc celui qui en souffre qu’il ne vit rien, que rien n’est réel. Aidée par les photographies de Diane Arbus qui va chercher l’émotion au-delà de la frontière de la normalité – elle photographie des géants, des travestis, des handicapés mentaux – Laurence Tardieu peut de nouveau retrouver l’énergie de dire et d’écrire ce qui est important pour elle. Retrouver les sensations de vivre. Les souvenirs, ravivés par les confessions de la photographe américaine, reviennent à l’écrivain français. Souvenirs d’enfance, de la ouate familiale, des événements qui lui font comprendre qu’une classe sociale (à laquelle elle appartient) domine l’autre et l’ignore – allusion aux enfants de sa concierge scolarisés dans le même établissement catholique qu’elle, enfants à qui aucun élève n’adresse la parole… Souvenirs précis des premiers moments où elle a senti qu’elle entrait dans la vie, notamment avec un jeune homme en compagnie de qui elle découvre la sensualité. Toujours aidée par Diane, comme si la photographe lui tenait la main et l’accompagnait dans sa démarche, Laurence Tardieu renoue avec l’écriture, revient sur ses années de publication, en particulier celle d’un livre sur son père que celui-ci n’aura pas du tout apprécié. Écrire, c’est vivre dit-elle et vivre c’est prendre des risques. Une logique qui pourrait rappeler celle de Nathalie Sarraute.
Une vie à soi de Laurence Tardieu
éditions FLAMMARION
AOÛT 2014
187 pages
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