Simone « veille » ? Une réjouissante comédie sur l’émancipation des femmes et ses dérives…
Par Florence G.Yérémian – bscnews.fr/ Il était une fois trois drôles de dames et une quatrième nommée Simone …Bien décidées à nous faire réviser l’histoire de la condition féminine des années 50 à nos jours, elles choisissent de mettre en scène les destins croisés de quatre générations de femmes: l’histoire débute donc avec ces dames d’un autre temps, nées juste après la Grande Guerre.
Qu’il s’agisse de l’ouvrière usée par ses portées de marmots ou de la catholique soumise et embourgeoisée, elles sont toutes coincées face leurs fourneaux ou à l’horizontale sous leurs tendres époux. Semblables à de stupides godiches, elles n’ont d’autre solution que de courber l’échine en élevant leurs filles dans le culte de Moulinex et des travaux ménagers. Mais les choses évoluent (heureusement!) et leur progéniture ne l’entend pas de la même façon: la vague Seventies apporte un vent libérateur et une pluie torrentielle de pilules contraceptives. A coup de procès ou de manifeste, le beau sexe réclame l’avortement libre et l’obtient enfin! Profs, avocates, infirmières, les plus courageuses prônent aussi l’IVG et se laissent emporter par les cinglants discours du MLF. Cependant, malgré ces victoires successives, les mentalités vacillent: la fin du XXe siècle change l’axe des militantes et fait passer la séduction féminine à travers des seins siliconés et des « basic instincts ». Ces demoiselles sont enfin des femmes libérées mais, à présent, elles passent leurs soirées entre copines à se rincer l’oeil devant de pitoyables chippendales. Et qu’en est-il des générations actuelles? Entre les midinettes qui veulent faire des bébés toutes seules et leurs ainées qui chassent les jeunes garçons dissimulées derrière leurs profils de cougars, difficile de comprendre où va le 2eme sexe! Difficile également de savoir où est passé le 1er…
La pièce de Corinne Berron est un délicieux cheminement à travers une lignée de femmes représentatives de toutes celles qui se cachent au sein du public: des arrières grands-mères aux arrières petites-filles, l’ensemble des spectatrices se reconnaîtra et pourra rire – ou pas – de cette excellente parodie: entre leurs « danses du Tchador » et leurs échauffements semi-sportifs à la façon de « Véronique et Davina », les comédiennes sont, en effet, d’une décomplexion et d’une énergie impressionnante. N’hésitant pas à pousser la chansonnette à chaque intermède du spectacle, elles font preuve d’une aisance incroyable, à croire qu’elles ont sniffé du Monsieur Propre avant leur entrée en scène ou qu’elle se sont carrément shootées aux Treets! Chacune à leurs manières, elles nous offrent des répliques truculentes et incarnent avec humour toute une palette de personnages subtilement caricaturés: tandis que Karina Marimon passe en un clin d’œil de la paysanne engrossée à la patronne nymphomane, l’autoritaire Vanina Sicurani préfère opter pour la carte de la sensualité et parvient à séduire son public de sa jolie voix. A leurs côtés, Hélène Serres interprète de façon totalement débridée une fille-mère ou une lesbienne en quête d’insémination artificielle. Avec son corps de brindille et ses cheveux ébouriffés, elle distribue des pilules à tout va et nous fait mourir de rire en esquissant de grands jetés burlesques apte à exterminer Pietragalla!
Au sommet de cette folle trinité trône l’imposante Bonbon qui mène cette frise féministe tambour battant. Avec sa voix de crécelle, ses addictions aux contrepétries et son balai sur la tête, Bonbon se régale à jouer les speakerines en commentant cyniquement l’évolution de ce 2e sexe qui ne sait plus trop à quel saint se vouer. Le ton cassant et la verve moqueuse, cette symbolique Simone ne se met jamais en veille et liste scrupuleusement tous les principaux évènements qui ont jalonné l’histoire de la condition féminine: droit de signer un chèque sans son mari, droit de vote, droit de porter un pantalon sans être à cheval ni à vélo … L’émancipation semble avoir fait du chemin et pourtant, même en 2014 rien n’est gagné pour ces filles d’Eve au sein de l’Hexagone: il y a plus de 60 ans, une loi promulguait: « A travail égal – salaire égal » Quelle belle blague! Mesdames, ne saviez-vous pas que le salaire n’était pas sexuellement transmissible? Mais où se cache donc la Simone du XXIe siècle qui instituera cette chimérique parité ? Pour l’instant, elle est en veille, de toute évidence…
Simone et ses Triplettes? Un beau quatuor de comédiennes qui assument pleinement leurs rôles et leurs propos féministes. Ovation!
Et pendant ce temps Simone veille!
Une pièce de Corinne Berron, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Trinidad.
Avec: Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Karina Marimon
La troupe du Pompon est de retour au théâtre de la Contrescarpe
5 rue Blainville – Paris 5e
Du jeudi au samedi à 20h et le samedi à 17h
Jusqu’à fin juillet 2016
Réservations : 0142018188
http://www.theatredelacontrescarpe.fr
Et pendant ce temps Simone veille!
Une pièce de Corinne Berron, Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Trinidad.
Avec: Bonbon, Hélène Serres, Vanina Sicurani et Karina Marimon
– A la Comédie-Bastille ( 5, rue Nicolas Appert – Paris 11e – Métro Richard Lenoir ) à partir du 18 septembre 2014
– Au Théâtre de Dix Heures ( 18ème Paris – Métro Pigalle) – du jeudi au samedi – du 3 au 31 juillet 2015
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