L’annonce faite à Marie : « Maintenant que je m’en vais, faîtes comme si j’étais là. »

par
Partagez l'article !

Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Violaine,  » chaste cœur », est si heureuse d’épouser Jacques Hury, se sent si comblée par le Ciel qu’elle ne peut se résoudre à laisser Pierre de Craon, un lépreux enragé d’amour pour elle, partir sans un baiser d’affection pure et lui offre même le cadeau de son fiancé, un  » anneau d’or qui a la forme d’un oui ». Même si elle l’exhorte à être raisonnable,  » Soyez un homme, Pierre, soyez digne de la flemme qui vous consume », l’ingénue Violaine, tout autant que son père ( qui choisit le même jour de quitter sa famille pour se rendre utile à Jérusalem), est pieuse et ressent au fond de son être qu’il faut rendre aux autres quand Dieu vous comble trop. Et puis il y a Mara, la sœur cadette au caractère difficile, qui menace de se tuer si le mariage se fait. Violaine,  » obéissante, sensible et secrète », aura-elle la force de briser ses espoirs? Jacques, son fiancé, saura-t-il comprendre cet acte d’abnégation absolue? Et réussira-t-il à lui pardonner d’avoir détruit à jamais le bonheur, simple mais solide, qui leur tendait la main?

Partagez l'article !

Attention chef d’œuvre! Rien de moins. Yves Beaunesne, en portant à la scène « L’Annonce faite à Marie » dans sa version de 1911, donne à ce texte universel, profondément ancré dans la terre et passionné, un écrin théâtral et musical superbe. Portée par une excellente distribution, cette pièce irradie de ferveur amoureuse et de piété. La partition musicale de Camille Rocailleux, à la croisée entre fado, chants sacrés et polyphonie corse, transperce de sa justesse et de sa beauté. Les voix, aussi touchantes qu’envoûtantes, vibrent et résonnent dans le chœur des spectateurs et savent exprimer la simplicité, la légèreté des cœurs heureux tout autant que la gravité d’un chant d’adieu. Les effets de lumière ensuite, projetés sur d’immenses rideaux de fils couvrant toute l’arrière-scène, jouent avec la transparence, les couleurs et permettent d’illuminer chaque scène de teintes pertinentes. La mise en scène est brillante tant elle donne l’impression aux spectateurs de voir une toile naturaliste, avec ses effets de clair-obscur réalistes, prendre vie. Chaque scène a sa magie intrinsèque et les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz sont également à applaudir : Violaine, parée d’or et de lumière, au bord de la fontaine, semble tout droit sortie d’un conte pieux. Judith Chemla est une comédienne éblouissante; elle semble littéralement touchée par la grâce. Au côté de Jacques, ce  » compagnon sans aile » qui ne saura pas comprendre sa générosité sans limite, face à une Mara désespérée d’avoir perdu sa fille, dans les bras d’un père-pélerin consumé de chagrin, elle nous offre le visage d’un ange, à la voix piquée d’enfance et de sagesse. Et même dans la nuit parsemée d’étoiles, Violaine, l’aveugle et la lépreuse aux doigts décharnés, sait apaiser encore, exhorte au pardon – « N’as-tu jamais eu besoin d’être pardonné? » – , invite à ne pas trop demander à la vie – « On ne t’a point promis le bonheur. Travaille, c’est tout ce qu’on te demande. ».Comme un Miracle.

L’Annonce faite à Marie
De: Paul Claudel
Mise en scène: Yves Beaunesne
Adaptation et dramaturgie : Marion Bernède
Scénographie : Damien Caille-Perret
Lumières : Joël Hourbeigt
Création musicale : Camille Rocailleux
Maîtrise de chant : Haïm Isaacs
Création vidéo : Mammar Benranou
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Maquillages : Catherine Saint-Sever
Assistantes à la mise en scène: Marie Clavaguera Pratx et Amélie Chalmey
Avec Damien Bigourdan, Judith Chemla, Thomas Condemine, Jean-Claude Drouot, Fabienne Lucchetti et Marine Sylf
Violoncelle : Myrtille Hetzel et Clotilde Lacroix

Dates des représentations:

– Le jeudi 16 octobre 2014 au Théâtre Jacques Coeur ( Lattes, 34)

– Du 19 novembre au 21 novembre 2014 à la Comédie de Saint-Etienne

– Les 2 et 3 décembre 2014 au Théâtre de Nîmes ( 30)

A voir aussi ( ou pas…):

Venez vous égarer dans la folie moite du Chaco

Un homme qui dort : la mise en scène narcotique de Bruno Geslin

Citizen Jobs? De la pomme de Steve Jobs à celle de Blanche Neige…

Hors-piste : une comédie chorale poignante

Les Cinq jours en mars de la Compagnie des Lucioles

Un mariage follement gai : un spectacle drôle et caustique

La peur : le thriller amoureux entêtant d’Elodie Ménant

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à