Les Cartes du Pouvoir? Une primaire théâtrale!
Par Florence G.Yérémian – bscnews.fr/ Et si vous passiez deux heures au coeur d’une campagne présidentielle « 100% made in USA » ? Dans cette course aux électeurs où personne n’est épargné, seule compte la victoire finale: journalistes, conseillers, épouses, tout le monde doit payer le prix de ce titanesque combat électoral. Tel est le cas de Stephen Bellamy, jeune attaché de presse voué corps et âme à la défense du candidat démocrate. Talentueux et idéaliste, il prépare la primaire avec la foi d’un jeune premier à qui tout réussit. Seulement voilà: la loyauté n’est pas de mise dans les arcanes du pouvoir. Entouré de politicards sans foi ni loi, Stephen va peu à peu plonger dans les abysses de la corruption pour y laisser sa place et toutes ses grandes illusions…
Cette pièce de théâtre, écrite par Beau Willimon, s’inspire directement de la campagne américaine de Chuck Schumer, un candidat démocrate élu au Sénat en 1998. Originellement intitulée Farraguth North, elle a été adaptée au cinéma par Georges Clooney qui s’est élégamment amusé à mettre en lumière le manque d’éthique des hautes sphères présidentielles. La version française, mise en scène par Ladislas Chollat, est, à n’en pas douter, tout aussi efficace que celle de Clooney! Moins cantonnée dans les stéréotypes hollywoodiens, elle s’attache d’avantage à disséquer la psychologie et les conflits intérieurs de ses principaux personnages. Même si les comédiens ne possèdent pas l’aisance décomplexée propre aux acteurs américains, ils font preuve d’une dynamique et d’une verve qui nous percutent du début à la fin de la pièce. Quel que soit le profil de leur protagoniste, ils lui insufflent un style et une authenticité très convaincante. Il en va ainsi de Thierry Frémont jouant rondement les conseillers de campagne ou d’Elodie Navarre qui se glisse habillement dans le rôle d’une journaliste aussi fouineuse qu’opportuniste. On apprécie beaucoup le jeu décontracté et la voix éraillée au whisky de Francis Lombrail interprétant le Directeur de campagne du parti adverse et l’on s’amuse assez du personnage de Ben (Julien Personnaz) planqué derrière son ordinateur à taper des discours en attendant sa propre heure de gloire.
La palme revient néanmoins à Raphaël Personnaz qui incarne avec brio le rôle titre de l’attaché de presse, Stephen Bellamy. Impulsif, séducteur, arrogant, il ne quitte pas la scène une minute, passe son temps à courir, se change en un clin d’oeil, gobe du sondage à la pelle et butine les stagiaires sans quitter son portable. Faisant preuve d’une détermination et d’une énergie à toute épreuve, Raphaël Personnaz offre ici une prestation étonnante et multiple qui évolue avec élégance de la figure du favori à celle de l’outsider paranoïaque.
Même si vous n’êtes pas un adepte de la politique et de ses scandales, vous ne pouvez qu’être bluffé par cette primaire théâtrale: non seulement la mise en scène y est percutante mais le décor est d’une esthétique superbe!
Les Cartes du Pouvoir? Nous, on prend tout de suite parti !
Les cartes du pouvoir
de Beau Willimon
Mise en scène Ladislas Chollat
Avec Raphael Personnaz, Thierry Frémont, Elodie Navarre, Roxane Duran, Francis lombrail, Julien Personnaz, Adel Djemai et Jeoffrey Bourdenet
Théâtre Hébertot
78bis, boulevard des Batignolles – Paris 17e
Métro: Villiers ou Rome
A partir du 29 aout 2014
Du mardi au samedi à 21h
Samedi à 15h30 et Dimanche à 18h
Locations: 0143872323
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