La Tempête? Il est temps d’initier vos enfants à Shakespeare !
Par Florence G. Yérémian – bscnews.fr/ La Tempête n’est pas un simple conte fourmillant de magie et de divination. C’est une pièce grave mettant en avant les aspects sombres de l’âme humaine tels que le mensonge, la félonie ou la quête monstrueuse du pouvoir pouvant conduire jusqu’à l’abandon des siens. Il en va ainsi d’Antonio, Duc de Milan qui, sans scrupules, a indignement usurpé la couronne de son frère, Prospero. Ce dernier accompagné de sa fille a trouvé refuge sur une île où durant douze longues années, il a patiemment attendu l’heure de sa vengeance. Devenu maitre de cette parcelle de terre au milieu des océans, Prospero y a appris la magie aux côtés d’Ariel, un esprit aérien. Doté de sa nouvelle puissance, il décide un jour de provoquer une tempête engloutissant le vaisseau de ses usurpateurs. Echoués sur son île, le Duc de Milan et ses complices vont enfin devoir faire face au chatiment de Prospero. C’est à ce moment même que débute l’histoire…
Mise en scène dans un cadre obscur et mystérieux, cette ultime pièce de William Shakespeare s’articule autour de six talentueux comédiens alternant les multiples rôles du récit. Vêtus de tristes guenilles ou de nobles parures argentées, ils ont la particularité d’être masqués, ce qui confère à l’oeuvre un aspect grotesque proche de la Commedia dell Arte. Créés sur mesure pour chacun des acteurs, ces masques de bois sont déstabilisants car ils creusent leurs regards et déshumanisent étrangement les personnages shakespeariens qu’ils incarnent. Parallèlement à ces artifices, la scénographie déborde d’effets sonores et visuels apportant un côté irréel et ludique à la représentation. Outre les lumignons, les carillons et les voix en échos qui intensifient l’allure onirique de la scène, la musique est également omniprésente : les comédiens chantent, jouent du tambourin et ils évoluent tout au long du spectacle autour d’un imposant instrument baroque constitué de cordages et de roues de vélo!
Dans le rôle de Prospero, Christophe Hardy a des allures de mage ténébreux aussi convaincant que convaincu par son devoir de justice. A ses côtés, Rafael Bianciotto prend un malin plaisir à se glisser dans le rôle d’Ariel, ce joyeux esprit de l’air. Enveloppé de velours noir, il fait preuve d’autodérision et porte allègrement la pièce avec ses yeux exorbités et son accent chantant. La créature la plus « marquante » de cette aventure demeure cependant celle du monstre Caliban. Fils de la sorcière de l’île, cet être difforme à nez d’escargot déstabilise le public autant par sa laideur que par ses vices.
La réadaptation de La Tempête proposée par le Zéfiro Théâtre et la Compagnie des Tréteaux de la Pleine Lune est assez particulière: son aspect ludique, son humour ainsi que sa simplification du texte original en font une pièce essentiellement destinée à un public enfantin. Si tel est le cas, il est dommage de n’avoir gardé que l’aspect le plus sombre de l’oeuvre shakespearienne tant d’un point de vue visuel que thématique: certes la vengeance et le mal dominent cette histoire mais ils cohabitent avec des moments de douceur et d’amour qui ne sont pas assez mis en avant. Même si les protagonistes finissent par faire preuve de compassion et de pardon, la mise en scène de Ned Grujic et Rafael Bianciotto fait un peu trop l’impasse sur la beauté et l’aspect poétique du récit initial. Hormis ce parti-pris maladroit, l’on conseille à tous les parents d’emmener leur progéniture découvrir cette nouvelle création: à l’inverse des centaines de représentations consacrées annuellement à notre cher Molière, ce n’est pas tous les jours que le grand William est adapté pour nos têtes folles! La Tempête? A découvrir en famille!
La Tempête
D’après William Shakespeare
Mise en scène: Ned Grujic & Rafael Bianciotto
Avec : Charlotte Andrès, Rafael Bianciotto, Anne-Dominique Défontaines, Christophe Hardy, Jean-Luc Priano et Francis Ressort
Vingtième Théâtre
7, rue des Plâtrières – Paris 20e
Métro Ménilmontant
Dates des représentations:
Jusqu’au 26 octobre 2014
Du jeudi au samedi à 19h – Les dimanches à 15h
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