Paris : la Grande Guerre au quotidien

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Comment les parisiens ont-ils vécu la Grande Guerre? Le reportage photos de l’autodidacte mais technicien de qualité Charles Lansiaux (1855-1939), « loin du patriotisme imposé » de l’époque, est fort intéressant.

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S’il est d’abord conçu pour un public adulte, il pourra être vu par les plus jeunes car il ne comporte pas d’images traumatisantes ( gueules cassées, grands blessés etc…). La scénographie de l’exposition intercale avec pertinence, entre les photographies, des documents d’époque et des panneaux explicatifs qui justifient les regroupements de photos.
Les premières photographies évoquent la période des Appels ; les premiers régiments sont mobilisés, les soldats partent la fleur au fusil, le cœur gonflé de patriotisme et de conviction. Sur les visages des parisiens, des sourires…scènes des baisers légers, d’amoureux convaincus que leur idylle sera juste contrariée par quelques mois de séparation ; sur le pont Alexandre III, les nouvelles recrues entonnent des chants patriotiques…Reflet d’une campagne de propagande qui promet une guerre courte, presque une formalité . Mais l’on voit aussi, ici et là, des vitrines de magasins brisées ; les enseignes allemandes sont maltraitées et le drapeau français s’affiche aux fenêtres . Autre technique utilisée: les graffitis, pour éviter toute méprise :  » Je suis français! « 
Charles Lansiaux a fait ensuite une série de photos de l’exode. Paris se vide…car la guerre prend du coffre et fait fuir la population. Lors de l’été 2014, arrivent des réfugiés dans les rues de Paname et les commentaires du photographe, qui figurent sous les photographies dans l’exposition, montrent l’étonnement d’un parisien habitué à voir les pavés usés par les pas pressés et grouillant de vie.
On peut voir aussi combien les systèmes de défense -pour éviter que l’ennemi n’entre dans Paris – sont sommaires et, qu’à part la Tour Eiffel, symbole de la France que l’on ne veut surtout pas voir passer aux mains de l’ennemi, le reste des monuments et entrées de la ville n’est protégé que par des structures périssables et peu résistantes qui sont vite prises d’assaut par les enfants pour jouer à la guerre. De nombreuses photos montrent d’ailleurs des bambins s’adonner à des jeux de guerre, leur principale occupation dans les rues.
Charles Lansiaux évoque aussi la question du ravitaillement de la ville. En 1914, les récoltes ont été abondantes et  » de fantastiques voitures bondées de paniers vides » montrent bien que les parisiens ne sont pas rationnés en début de conflit.
Au fur et à mesure que les mois passent, on perçoit cependant combien  » la ville devient le théâtre d’une longue attente »; dans les rues, il y a peu d’hommes valides; les femmes et les « mômes » deviennent les premiers acteurs du paysage urbain.
Autre sujet auquel Charles Lansiaux s’intéresse: le rôle des journaux. On voit des rassemblements d’hommes devant les locaux du Matin, les cafés bondés de lecteurs, la moustache dans les nouvelles. Les devantures des locaux des canards parisiens deviennent des lieux importants où la foule se rassemble pour échanger, espérer, s’insurger, désespérer…Un témoignage intéressant de cette presse indispensable qui donne des nouvelles du front, de l’évolution de cette guerre que l’on imagine courte et qui tue à tour de bras. On peut lire dans un commentaire:  » L’information est l’autre bataille de la guerre »…Une information souvent censurée, utilisée comme instrument de propagande et qui use de son monopole pour chanter les louanges du patriotisme.
Et puis, insidieusement mais sûrement, la mort entre dans la ville…par l’omniprésence des secours ( véhicules de la croix -rouge qui pullulent dans la ville) ; des réunions de veuves dans les bistrots parisiens, les bâtiments détruits par les bombes ennemies. Si bien que lorsque la victoire éclate, la présence des amputés, veuves, orphelins donnent tout son sens à cette juste interrogation:  » Victoire? » . À la fin du conflit, la France compte 1,4 millions de morts et de disparus, 3,6 millions de blessés dont 300 000 mutilés et amputés, 600 000 invalides, 15000 gueules cassées…Ceux du front, par leur présence écorchée ou leur absence, laissent une marque indélébile et la furieuse envie de l’observateur de s’écrier  » quelle connerie la guerre! » .
Le témoignage photographique de Charles Lansiaux permettra aux élèves du second cycle de découvrir le quotidien et les visages de la France du début du siècle et aux plus âgés d’observer la guerre du côté des civils et de comprendre encore davantage les réalités de ce conflit mondial au travers de clichés humanistes. On vous la conseille!

Paris 14-18, la guerre au quotidien, photographies de Charles Lansiaux

Exposition du 15 janvier au 15 juin 2014

Galerie des bibliothèques – 22,rue Malher – 75004 Paris – Métro: Saint Paul
Horaires: Du mardi au dimanche de 13h à 19h, nocturne le jeudi jusqu’à 21h.
Tarifs: 6€/3€ ( demi-tarif)
Entrée gratuite, les jeudis de 18h à 21h.

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