Gilles Bouillon et son Dom Juan imposteur

par
Partagez l'article !

Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ On connaît la pièce presque par cœur et pourtant, à chaque nouvelle tentative de Sganarelle visant à remettre son maître dans le droit chemin, l’on jubile!

Partagez l'article !

Dom Juan est une pièce aussi séduisante que son personnage éponyme et Gilles Bouillon nous en offre une version aussi malicieuse que pétillante pour laquelle on ne saurait avoir la dent dure. Pour monter cette tragi-comédie à l’issue fantastique dans laquelle Molière avait pour ambition de « dénoncer les vices du siècle », le metteur en scène a choisi de « faire entendre Molière dans un espace de jeu contemporain – tout en suggérant la couleur et la distance du temps qui a passé. » parce qu’il ne pouvait pas imaginer « Molière représenté sans une distance temporelle ». La scénographie de Nathalie Holt et les costumes de Marc Enselmi répondent avec intelligence à ses exigences et sont séduisants ; de facture classique, ils nous transportent avec aisance dans un cadre spatio-temporel seyant pour entendre le verbe de Molière.
Le Dom Juan de Gilles Bouillon est libertin jusqu’à la moelle: l’interprétation habile qu’en fait Frederic Cherboeuf le montre égoïste jusqu’à l’insupportable, menteur impertinent, manipulateur et arrogant : un dandy en bonne et due forme à la faconde bien huilée devant le beau sexe. Jean-Luc Guitton, en Sganarelle ventru prêt à tout pour avoir ses gages, lui donne la réplique avec drôlerie et leurs dialogues sont vivement plaisants. On adhère bien moins à Elvire,par contre, bien trop geignarde lors de sa première apparition et manquant cruellement de cette dignité douloureuse dont on aime voir se draper cette jeune épouse offensée. Nelly Pulicani, de son côté, est beaucoup plus touchante devant les déclarations enflammées de Dom Juan que lors de sa scène avec son promis Pierrot…De façon générale, l’on peut reprocher à la distribution des inégalités de jeu et certains acteurs incarnent avec les maladresses de la jeunesse – dont l’impétuosité- qu’ils ne savent pas toujours doser. Coup de coeur pour la scène languide entre Dom Juan et les deux paysannes, au creux de draps et de bras blancs! Vibrant et fôlatrant, le séducteur y concrétise sa philosophie épicurienne et son goût du plaisir.
Farouche défenseur de la liberté, Dom Juan en oublie celle des autres. Agnostique indécrottable, Dom Juan n’a foi qu’en lui. Franc jusqu’à l’impertinence, il envisage même, par opportunisme et nécessité, de devenir l’hypocrite parfait. De ces paradoxes surgit une fin si improbable – Dom Juan emporté aux Enfers par la statue du Commandeur!- qu’on peut la comprendre au premier degré tout autant qu’y voir une farce de plus du maître à l’adresse de son valet . Puisque le séducteur célèbre est l’incarnation de l’imposture et du « comédien » qui se ne cesse de feindre, Gilles Bouillon propose une autre interprétation de la fin, subtile, qui clôt de façon espiègle, ce festin de pierre!

Dom Juan
Mise en scène: Gilles Bouillon
Dramaturgie : Bernard Pico
Scénographie : Nathalie Holt
Costumes : Marc Anselmi
Lumières : Marc Delameziere
Musique : Alain Bruel
Assistante mise en scène : Albane Aubry
Régie Générale : Laurent Choquet
Construction du decor réalisée par l’equipe technique du CDR de Tours sous la direction de : Pierre-Alexandre Simeon
Avec Frédéric Cherboeuf , Jean-Luc Guitton , Cassandre Vittu de Kerraoul , Gérard Hardy, Cyril Texier, Xavier Guittet , Kevin Sinesi, Blaise Pettebone , Nelly Pulicani, Korotoumou Sidibe et Alexandre Forêt

Crédit photo : François Berthon

Dates de représentation:
– LATTES 28 février et 1er mars
– CORBEIL ESSONNE le 7 mars
– LOUVAIN LA NEUVE du 11 au 20 mars
– ARMENTIERES le 25 mars
– ARGENTEUIL 27 et 28 mars
– ANGOULÊME du 1er au 5 avril
– HERBLAY le 8 avril
– CHATEAUDUN 10 et 11 avril
– CHOLET le 16 avril
– NEUCHÂTEL 24 et 25 avril

A lire aussi:

Tu tiens sur tous les fronts : une parenthèse théâtrale entre poésie et différence

Pantagruel : la vitalité de la langue rabelaisienne mise à l’honneur par Benjamin Lazar et Olivier Martin-Salvan

Pierre Richard : Et si on redoublait la vie?

Tout mon amour : A-t-on besoin du passé pour vivre ?

Blue Jeans: un manifeste marionnetique contre l’exploitation enfantine

Laissez votre commentaire

Il vous reste

0 article à lire

M'abonner à