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Jean-Claude Penchenat exhume une comédie de cape et d’épée de Théophile Gautier

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Par Julie Cadilhac – bscnews.fr/ Comédien et metteur en scène, commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres, Jean-Claude Penchenat est également un des cofondateurs du Théâtre du Soleil et le créateur du Théâtre du Campagnol, promu DCN en 1982 et qu’il a dirigé jusqu’en 2002.

propos recueillis par

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En 2013, il met en scène Regardez mais ne Touchez pas, une comédie inconnue de Théophile Gautier, jamais rejouée depuis sa création. Un drame romantique tourné en dérision où folie et lyrisme se disputent la vedette. Il y est question d’une Reine dont le cheval s’est emballé et qui a été sauvé in extremis par un mystérieux héros. S’ensuivent duels et autres courses poursuites entre un matamore et un amoureux fougueux pour savoir qui mérite la main de la belle, promise à son véritable sauveur. Une comédie de cape et d’épée fort bien accueillie par le public et la critique et à laquelle il serait dommage de ne pas goûter, si vous en avez l’occasion!

Parlez-nous des circonstances de votre découverte du texte de Théophile Gautier...
Il y a quelques années j’ai changé d’appartement. En déménageant, il y avait une bibliothèque pleine de bouquins que je n’avais jamais regardés en détail. Mon beau -père était bibliophile donc il avait des trésors, des jolies choses. J’ai vu ce petit fascicule très mince : c’était cette pièce « Regardez mais ne touchez pas » jouée à l’Odéon en 1847. J’ignorais totalement, comme 90% des gens, que Gautier avait écrit pour le théâtre. Je me suis dit : « Un jour je voudrais en faire quelque chose. » À Paris, on fait souvent des lectures de textes inédits et j’ai proposé aux jeunes comédiens avec qui je travaille de faire la lecture de cette pièce dans un jardin, à la campagne. C’est comme ça que ça a commencé. Peu à peu, on l’a reprise en lecture à l’épée de Bois, et comme les gens adoraient le texte, j’ai décidé de le monter.

C’est une pièce qui n’avait jamais été jouée depuis sa création en 1847, pourquoi selon vous ?
Je pense que c’est le cas pour beaucoup de pièces de théâtre, les succès ne sont pas assez forts et donc après, on les oublie complètement. Je pense qu’il n’y a pas assez de curiosité de façon générale pour les textes de théâtre : on joue toujours un peu les mêmes choses, puisé dans le répertoire classique. Et en ce qui concerne le répertoire romantique, on ne le revisite pas tellement. Il n’y a que de Victor Hugo dont on ressort des choses. D’ailleurs, cette pièce a des points communs avec ce qu’on appelle le théâtre en liberté d’Hugo dans lequel il s’amusait et il ne tenait pas compte des lois de l’époque. Je pense que c’est pour ça que cette pièce est originale, qu’il y a de l’esprit, plein d’ironie et d’humour.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette pièce ?
La jeunesse, l’ironie, la distance avec le romantisme. Gautier gagnait sa vie en étant critique de théâtre donc il allait beaucoup au théâtre et avait une espèce d’ironie sur ce qu’il voyait, sur les poncifs de l’époque. Il s’en amuse et aujourd’hui on s’est beaucoup amusé aussi en le faisant et le public s’amuse beaucoup aussi en le voyant.

Quand la pièce a-t-elle été jouée pour la première fois par votre compagnie ?
L’année dernière, au mois de septembre au Lucernaire à Paris. Depuis il y a eu au moins 150 représentations; c’est passé notamment au festival d’Avignon. En ce moment, il y a une tournée en France, la troupe vient de jouer à Calais, à Saint Raphael. Puis après, ils partent en Nouvelle Calédonie jouer à Nouméa.

C’est un pastiche des romans de cape et d’épée qui critique le théâtre bourgeois de l’époque… avez-vous gardé cette dimension de critique sociale dans votre mise en scène ou bien est-ce que cela n’avait plus lieu d’être ?
Dans la mise en scène que j’ai faite, j’ai introduit un personnage qui n’est pas dans la pièce. Il est conteur, metteur en scène et dit toutes les didascalies. Je suis allé puiser dans le « Voyage en Espagne », un conte qu’a écrit Théophile Gautier, et qui d’ailleurs magnifique. Et dans ce « Voyage en Espagne », il y a un personnage, baptisé Désiré Reniflard, qui s’amuse avec tous les poncifs, ceux concernant les espagnols notamment… L’Espagne était très à la mode à l’époque, c’est l’époque de Mérimée, de Carmen… Ce personnage donne cette distance ironique.

Quand on découvre la galerie de personnages qui défile dans cette pièce, on pense notamment à la Commedia dell’arte ; avez-vous gardé certains de ses codes dans votre mise en scène ?
Le personnage principal est une espèce de Matamore, il se vante tout le temps. Si vous voulez, on a un peu les personnages de la Commedia dell’arte dans cette comédie : le Matamore, le jeune premier amoureux, la jeune première amoureuse, la reine, la soubrette…

Cela pourrait-il expliquer le succès de cette pièce, justement? Ce genre de la Commedia dell’arte que vous avez utilisé sur le plateau?

Oui, c’est un vrai théâtre populaire…ça s’adresse donc à tous les publics: à ceux qui ont les références culturelles, qui connaissent un peu le théâtre romantique mais aussi aux adolescents qui, eux, s’amusent comme à un spectacle de cape et d’épée. Il y a des duels et tous les éléments de ce type de spectacle.

Comment monte-t-on un pastiche ? Quels types de comédiens choisit-on ?
Les comédiens que j’ai choisis sont ceux qui travaillent avec moi en général et il se trouve que j’avais exactement les personnages qu’il me fallait. Quand on choisit une pièce, souvent on la choisit parce qu’on a envie de voir les acteurs qu’on aime jouer les rôles qu’on découvre.

Y a-t-il des écueils que l’on souhaite éviter quand l’on monte un pastiche?

L’important est que, même quand on est ironique, il faut toujours être sincère. Il ne faut jamais jouer pour faire rire le public, il faut jouer sincèrement et le texte en lui-même parle à ce moment- là. Ce n’est pas la peine d’ajouter des choses comiques.

Enfin, travaillez-vous sur d’autres projets en ce moment ? Pourriez-vous nous en dire un mot ?
On va fêter dans quelques jours les 50 ans du théâtre du Soleil dont j’ai été co-fondateur ; ça fait un long parcours de théâtre. J’ai dirigé un centre dramatique pendant 25 ans aussi et maintenant je suis donc un homme libre ! Quand quelque chose me plait, je le fais. J’ai travaillé en Italie, je suis allé en Sardaigne faire une pièce de Jean Claude Grumberg en italien – parce que j’ai des racines italiennes. Je prépare actuellement quelque chose sur un auteur qui s’appelle Alfred Savoir, un auteur complètement oublié aujourd’hui mais qui m’intéresse. Donc je pars un peu à la recherche de cet homme, de ce qu’il a écrit. Je pense qu’on va faire un spectacle sur lui, bientôt.

Regardez mais ne Touchez pas
De : Théophile Gautier

 Mise en scène : Jean-Claude Penchenat assisté de Maria Antonia Pingitore

 Décors : Jean-Baptiste Rony

 Costumes : Théâtre de l’épée de bois
 Fanny Marteau, Dominique Rocher

 Lumières : Maria Antonia Pingitore

Avec : Alexis Perret, Damien Roussineau, Paul Marchadier, Samuel Bonnafil, Flore Gandiol, Jeanne Gogny ou Chloé Donn, Sarah Bensoussan ou Judith Margolin.
©Chantal Depagne Palazon

Dates des représentations en 2014 :

– 7 janvier / Saint-Germain en Laye
– 21 janvier / Istres
– 23 janvier / Saint-Raphaël
– 31 janvier / Agen
– 19 février / Calais
– 27 février / Pézenas (34)
– 4 mars / Versailles
– 6 mars / Meudon
– 14 mars / Mazan
– 4, 5, et 6 Avril / Nouméa
– 18 mai / Ermont
– 21 mai / Coye la Forêt

Au Festival d’Avignon Off 2014 – Théâtre du Chien qui fume – 14h05

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