Antiteatre : Un diptyque théâtral « expressionnant ! »

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Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ Crédit photographique : Marc Domage/ Avez-vous déjà vu un film de Fassbinder? La violence y est palpable à chaque instant tout comme la démesure. Séduit par cette écriture incisive, Gwenaël Morin la met en scène dans un diptyque théâtral explorant l’âme humaine sous ses coutures les plus pathétiques. « Expressionant! »

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Imaginez une communauté lambda à laquelle on retirerait toute autorité gouvernementale ou administrative. L’argent n’aurait soudainement plus de valeur, le mariage serait supprimé, le travail réduit à deux heures par jour et chacun deviendrait entièrement libre de ses propres actes. L’idée est intéressante et pourtant elle mène directement au chaos ! Preuve en est la famille « Heure Légale » qui se retrouve, d’un seul coup, sans loi ni régime, pleinement maitresse de tous ses désirs. Passée la joie éphémère d’une indépendance enfin acquise, chacun des membres va progressivement perdre ses repères et faire imploser le nucléon familial. Autour de la table habituellement si calme, le père commence à hurler pour pouvoir conserver ses biens, la fille décide de se prostituer afin d’exorciser ses pulsions et l’épouse obéissante se délivre en fanfare de son carcan marital ! Tous entrent en catharsis, explorent leurs limites puis ouvrent les yeux sur l’anarchie qui s’est installée dans leur quartier : meurtres, vols, assassinats…, l’absence de système a poussé les gens à une frénésie des plus destructrices ! Il faut alors se rendre à l’évidence : que l’on soit révolutionnaire ou pas, la liberté n’est pas un bien facile à gérer. C’est une illusion à laquelle les hommes s’attachent pour donner un sens à leur vie mais elle dissimule une véritable boite de Pandore ; l’excès de liberté est une porte ouverte à toutes nos faiblesses humaines: fainéantise, vice, quête de pouvoir ou tout simplement folie!
C’est cette succession de tourments et de questionnement qu’interprètent avec effervescence les comédiens de la compagnie Gwenaël Morin. S’accaparant la scène comme des schizophrènes, ils passent du rire aux larmes, enfilent leurs cagoules de violeurs ou leurs nez rouges de camarades, cassent tous les meubles alentours et hurlent contre la violence intrinsèque qui les gagne. Scandé par des coups de tambours cisaillant chacune de leurs épreuves, la prestation de cette troupe hétéroclite fait l’effet d’un tourbillon angoissant et secoue avec hargne nos esprits formatés de bons citoyens assistés.
Une fois « digéré » ce premier acte fiévreux, la scène se vide pour laisser place à un couple solitaire. Attention, le calme n’est qu’apparent. Cette jeune femme qui monte et descend incessamment les marches pour apporter tout ce que lui réclame son époux porte en elle une haine grandissante. Café, journal, scotch… en bonne épouse-esclave, Geesche Gottfried réalise tous les désirs de son conjoint avec, de surcroît, l’approbation de son père misogyne et de sa mère bigote ! « Une femme n’est pas faite pour penser ! Elle se doit de servir son mari… » Tel est le refrain dans lequel on l’a éduquée… Jour après jour, cependant, l’intelligente captive va comprendre son aliénation et réaliser l’absurdité de son enfermement. Peu à peu, elle va aspirer à une autre vie et avoir la force de s’extraire de ce joug castrateur. Eructant la morale régnante, elle va se reconstruire une existence quitte à tuer quelques uns de ses semblables. Mari(s), mère, enfants…aucun sacrifice n’est assez grand pour gagner encore cette fameuse liberté…pas même le sacrifice de soi !!!
Un grand bravo à Barbara Jung, empoisonneuse machiavélique qui a fait preuve d’une endurance impressionnante tout au long de sa performance dans « Liberté à Brême »! Chapeau bas également à Mélanie Bourgeois (dans tous ses rôles dont Phoenix) qui inonde l’ensemble de la troupe avec sa trempe et sa détermination. N’hésitant pas à se mettre entièrement nue, elle arpente les gradins en quête de spectateurs médusés pour les entrainer dans son univers lubrique : une actrice excessive, subversive, jouissive ! Une femme « fassbinderienne », tout simplement !

Antiteatre diptyque : Anarchie en Bavière / Liberté à Brême
Compagnie Gwenaël Morin

Dates de représentation:

– Le 15 octobre 2013 – Salle Jacques-Brel – Ville de Pantin

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