Zelda & Scott : Une plongée pétillante dans les Années folles
Par Florence Gopikian Yérémian – bscnews.fr/ La scène s’ouvre face à un immense lit avec vue nocturne sur Manhattan. Dans une ambiance jazzy aux relents de gin, une garçonne délurée et un ambitieux dandy mènent une danse amoureuse et pleine d’insouciance. Malgré la foule d’invités se bousculant dans la pièce avoisinante, Zelda et Scott ont l’audace de s’aimer avec la passion et l’égoïsme des jeunes amants. Grace au succès des romans de Francis Scott Fitzgerald, ces enfants terribles ont pris des ailes et accumulent les beuveries sulfureuses autant que les frasques nocturnes. Devenus soudainement le couple mythique de l’Amérique des Années 20, ils se sont laissés emporter dans une existence folle et débridée digne des soirées mondaines somptueusement décrites dans Gatsby le Magnifique !
Au cœur de ce tourbillon euphorique où l’alcool coule à flot, Scott a fait de Zelda sa muse et l’héroïne de ses romans. A la fois réelle et imaginaire, la petite fille de l’Alabama a pris une place inestimable dans la vie de l’écrivain qui la démultiplie à travers ses personnages. Zelda l’inspire, l’amuse, le corrige. En retour Scott lui vole ses carnets secrets, la couvre de bijoux et l’adule en public. Entre les Etats-Unis et la Côte d’Azur, ces amants frivoles vont peu à peu voir leur rêve s’essouffler : tout l’enchantement et le glamour qui les entourent ne seraient-ils qu’apparence ? Cette vie à cent à l’heure qui ne cesse de les griser ne serait-elle pas une illusion ? Un mensonge qu’ils se jouent mutuellement comme le font les héros des livres de Scott ?
Les illusions sont effectivement éphémères et elles commencent à s’envoler avec les années: Zelda se met à collectionner les amants, Scott ne lâche plus sa bouteille…Pas à pas, leur vie s’effondre, part à la dérive. Ernest Hemingway fait alors son entrée. Cet écrivain trop longtemps demeuré dans l’ombre du flamboyant Fitzgerald trouve ainsi l’occasion de s’immiscer au sein du couple vacillant. Sournoisement, il va devenir le frère de plume d’un Scott en proie à la dépression. Confident apocryphe, il va même progressivement inciter Scott à se détacher de Zelda en lui ouvrant les yeux sur la schizophrénie de sa belle…
Avec cette pièce audacieuse et fantaisiste, Renaud Meyer nous fait redécouvrir l’un des symboles des Années Folles. A travers une mise en scène sulfureuse, il a l’intelligence de transcender le mythe du couple glamour pour nous dévoiler la vacuité de leur existence. Le trio d’artistes qu’il a sélectionné sert son propos à ravir : Sara Giraudeau est une véritable tornade dont la voix gouailleuse accapare toute l’assistance. Capricieuse et impudique, elle s’approprie la scène en incarnant une Zelda aguicheuse et survoltée dont la répartie lui colle à la peau. De son côté, Julien Boisselier est un bien attrayant Fitzgerald qui séduit finement le public avec son ambition littéraire et ses hésitations d’artiste. Moins fantasque, Jean-Paul Bordes interprète quant à lui un Hemingway frustré et jaloux qui ne prend sa juste place qu’en seconde partie de la pièce.
Cette folle parenthèse rythmée par la machine à taper de Fitzgerald n’en serait pas une sans la trompette et les cymbales du Manhattan Jazz Band : chapeau bas donc aux musiciens autant qu’aux comédiens !
Zelda & Scott, l’aventure des Fitzgerald
Mise en scène de Renaud Meyer
Avec Sara Giraudeau, Julien Boisselier et Jean-Paul Bordes
Accompagnés par le Manhattan Jazz Band
Théâtre La Bruyère
5, rue La Bruyère – Paris 9e
Métro Saint Georges
Du mardi au samedi à 21h
Matinées samedi à 15h
Résa : 01 48 74 76 99
www.theatrelabruyere.com
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