Hernani : Passions et vengeances ennoblies par Nicolas Lormeau

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr / Crédit-photo : Marie Clauzade / Pour la première fois, la Comédie Française était au Printemps des Comédiens. C’est dans le cadre majestueux du Bassin du domaine d’Ô qu’ont palpité les coeurs des six acteurs de la grande institution théâtrale dirigés par Nicolas Lormeau dans Hernani.

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Eole avait dissipé les nuages – qui avaient eu l’audace de prétendre contrarier le déroulement de la Première! – pour que les étoiles soient les seules hôtesses de la fête. C’est donc avec la complicité d’une nuit estivale languedocienne qu’Hernani ou l’honneur castillan s’est répandu dans les coeurs des spectateurs présents : même les cigales avaient assourdi leur chant pour laisser la vedette au verbe hugolien et une chouette a judicieusement participé au début de l’acte II lorsqu’à minuit, Don Carlos usurpe le code confié à d’Hernani pour enlever Dona Sol. A la magie du cadre s’additionnait la pertinence d’une mise en scène qui contribue à sublimer davantage le drame romantique d’Hugo: l’absence de décor et la formulation des didascalies en voix off au début de chaque acte laissent à l’imagination du spectateur le plaisir de se créer le sien propre , même si les alexandrins du dramaturge sont la raison suffisante sur ce sol en terre battue. Il faut applaudir ici le choix de n’habiller le plateau que de lumières ,orchestrées par Christian Pinaud : les acteurs sont ainsi tour à tour pris au piège , enveloppés, cachés ou protégés et ,dans cette pièce aux destins sombres, seule la lumière pouvait accompagner avec autant de sensibilité que d’éclat les amours tumultueuses d’Hernani et de Dona Sol ou encore les confrontations violentes entre le jeune banni, le roi et Don Ruy Gomez. Les amoureux maudits sont remarquablement interprétés par la si fragile et touchante Jennifer Decker dont chaque rire est perlé de désespoir indicible car Dona Sol est une héroïne qui connaît la vulnérabilité des coeurs et des situations. Félicien Juttner est empreint de cette témérité folle de la jeunesse et incarne le héros tourmenté tout en finesse : Nicolas Lormeau nous montre un Hernani empêtré dans ses désirs contrairs, fuyant sans cesse l’heure d’accomplir son destin ,  » une force qui va » , l' »agent aveugle et sourd de mystères funèbres, une âme de malheur faite avec des ténèbres », un être  » poussé d’un souffle impétueux, d’un destin insensé. » On frémit devant Don Ruy Gomez de Silva que Bruno Raffaelli interprète avec une verve et une puissance qui terrassent. Sa déclaration d’amour à la douce vierge Dona Sol est un moment d’une intense émotion : Jennifer Decker arrache des larmes devant l’amoureux vieillard. Jérôme Pouly fait résonner le lyrisme des vers hernanihugoliens avec talent ( et son monologue devant le tombeau de Charlemagne est une fantaisie lyrique hugolienne dont il sort avec les honneurs malgré sa longueur démesurée) et l’on ne manquera pas de souligner la justesse des deux comédiens, Catherine Sauval et Elliot Jenicot, qui se chargent des rôles secondaires. On dira aussi que le système bi-frontal est remarquablement bien exploité et que les spectateurs ont ainsi davantage l’impression de surprendre des destins qui se tissent, se nouent et se meurent. Ils ne peuvent tout voir et c’est un plaisir délicieux que de deviner le visage de Dona Sol dans les bras d’Hernani..ou le contraire. Les costumes de Renato Bianci , de facture romantique, sont superbes et ceignent l’intrigue avec élégance et discrétion. Cette création est une démonstration idéale de l’essence du drame romantique….on rit souvent car de nombreuses situations, gestes, caractères et mots sont comiques – le roi caché dans son armoire semble sorti d’un vaudeville – et à la fin de l’acte IV, la direction d’acteurs, les jeux de lumière, le coup de théâtre ménagé sont un répit au malheur qui s’apparente à des fins de comédie. L’acte V et les noces d’Hernani et de Dona Sol s’installent avec la blancheur d’un linceul, on frémit d’un bonheur tragiquement éphémère , l’on attend que le cor sonne….et l’on crierait bien à la jeune mariée « Oh ! fuis ! détourne-toi de (son) chemin fatal,hélas ! sans le vouloir, (il) te (fera) du mal ! »

Titre: Hernani

De Victor Hugo

Mise en scène et version scénique: Nicolas Lormeau

Collaborateur artistique: Patrick Haggiag

Costumes: Renato Bianchi

Musique: Bertrand Maillot

Lumières: Christian Pinaud

Avec Catherine Sauval, Bruno Raffaelli, Jérôme Pouly, Félicien Juttner, Jennifer Decker, Elliott Jenicot

Dates des représentations:

Les 29, 30 juin et 1 juillet 2012 au Printemps des Comédiens à Montpellier
Du 30 janvier 2013 au 17 février 2013 au Théâtre du Vieux Colombier ( Comédie Française)

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