Imbéciles! Ne voyez- vous donc pas que l’humanité est en voie d’extinction?

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Par Julie Cadilhacbscnews.fr/photo Marc Ginot/ La liberté pour quoi faire? ou la proclamation aux imbéciles est un spectacle qui demande avant tout de se débarrasser de ses idées reçues sur l’auteur Georges Bernanos – souvent controversé – dont le style pamphlétaire et poétique coule et gronde dans les gorges inspirées des deux comédiens brillants que sont Jacques Allaire et Jean-Pierre Baro.

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Jacques Allaire, en l’épurant volontairement de ses clichés, en refusant de porter sur le plateau les phrases les plus connues qui réduisent une pensée et l’appauvrissent, fait entendre une voix en colère émouvante, un chant d’indignation contre un monde qui court à sa perte. La France contre les robots et La liberté pour quoi faire? sont deux textes troublants de modernité dont les invectives désespérées adressées à l’Homme – qui se laisse dévorer par un libéralisme carnassier, pervertir par un confort aliénant, se dissoudre dans un monde sans révolte et sans idée neuve – résonnent violemment auprès de tous ceux qui gardent un sentiment de nostalgie inexplicable quant aux principes fondateurs que portait la révolution et qui se sont brisés contre l’Argent, valeur suprême et tyrannique de notre monde contemporain. Jacques Allaire nous invite à la représentation des cauchemars qui lui sont apparus suite à la digestion de ces textes: il faut donc accepter de vivre une expérience onirique où une succession de tableaux s’empare du plateau et en fait son instrument de démonstration.

Qu’y voit-on? Au début, au milieu des ténèbres, deux hommes aux lampes-torches viennent porter une parole étrange, sortie d’on ne sait quel gouffre, exprime une parole qui plaisante autant qu’elle désespère. Puis deux bonimenteurs -dont les mots s’égrènent selon un rythme proche de l’hallucination, saccadé, en suspension – osent nous proposer une vie sans liberté, sinistres bonhommes prétextant nous délivrer d’un bien dont nous n’avons pas besoin. Ensuite des lapins inquiétants, pantins désarticulés, viennent creuser davantage l’angoisse de ce monde dont le rire énorme est une gueule ouverte prête à engloutir. Sur les planches, des chaises partout que l’on déplace à l’envi: présence humaine que l’on malmène, qui supporte tout et finit par former un charnier au pied d’un mât de cocagne où un clown blanc apostrophe les imbéciles que nous sommes! Cet être s’agrippe, et à chaque respiration, le dernier saut semble être une porte de salut et il nous demande peut-être de nous réveiller pour que se termine son supplice. Les corps se dénudent, vidés, démunis et se métamorphosent en monstres maculés de sang et à la gueule de canard-porte voix; silhouettes maladroites et engoncées qui gisent droits, prêtes à vaciller dans ce monde sali. « En digérant ce texte, la première image que j’ai vue, c’étaient 150 chaises, un mât de cocagne, des rubans partout et de la musique de foire et une grande passerelle qui se jette dans le public «  explique le metteur en scène. Une scénographie qui exerce un pouvoir ambivalent sur l’imagination du spectateur tant elle déclenche fascination et effroi. Imaginez une fête foraine à laquelle on a ôté la vivacité des couleurs; n’y restent que des pitres aux visages blafards et des fanions achevant de s’effilocher sur le cimetière d’un lieu où, avant, perlaient les rires. Quelle plus grande vision d’angoisse que cela? Où sont passés les âmes qui faisaient vivre ce lieu autrefois? On applaudira notamment le dernier tableau de cette odyssée sinistre sur notre civilisation: une voix off, deux êtres muets dans une école où le fantôme d’un drapeau continue de flotter, un air connu… et on y entend le coeur d’une humanité pas tout à fait morte sursauter malgré elle et se dire « bon sang, réveillons nous! » Une expérience à vivre assurément!

Le teaser de la pièce: ICI

Titre: La liberté pour quoi faire? ou la proclamation aux imbéciles

Textes de: Georges Bernanos

Mise en scène: Jacques Allaire

Scénographie: Jacques Allaire

Assistant scénographe: Guillaume Allory

Avec Jacques Allaire et Jean-Pierre Baro

Décembre 2011:
1, 2 et 3 décembre 2011 Parquet de bal, Sète – Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau (34)

Février 2012 :
17 février 2012 Théâtre de la Tête Noire – Saran (45)

Mars 2012:

3 mars, Alénya (66)

6 mars 2012 Le Parvis – Scène Nationale Tarbes Pyrénées (65)

Avril 2012:
5 avril 2012 Théâtre de Clermont-l’Hérault (34)

Octobre 2012:

Du 3 au 5 octobre 2012, Théâtre des Treize Vents, Centre Dramatique National Languedoc-Roussillon Montpellier (34)
Le 9 octobre 2012, Théâtre de Chelles (77)
Le 12 octobre 2012, Théâtre de Vénissieux, Scène régionale (69)
Le 23 octobre 2012, Scènes des 3 Ponts – Castelnaudary (11)
Le 25 octobre 2012, L’Arc, Scène nationale Le Creusot (71)

Novembre 2012:

Le 9 novembre 2012, Salle François Mitterrand – Figeac (46)

Janvier 2013:

Le 30 janvier 2013, Scène nationale 61 – Mortagne (61)

Février 2013:

Les 4 et 5 février 2013, Le Salmanazar, Scène de création et de diffusion d’Epernay (51)
Les 7 et 8 février 2013, Théâtre du Chêne Noir – Avignon (84)
Le 15 février 2013, Théâtre de l’Atrium – Tassin-la-Demi-Lune (69)

Juillet 2013:

Le 13 au Théâtre du Cloître – Bellac (87)

Pour en savoir plus: L’interview de Jacques Allaire

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